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mercredi 19 octobre 2011

exposé de sciences po (vendredi 14/10) sur le Sénat.

INTROCDUCTION :

Dans Le Monde du 21 avril 1998, un an après son arrivée au poste de Premier Ministre, Lionel Jospin dévoilait au public le programme que son gouvernement allait poursuivre pour le reste de son mandat. Il y exprimait ses réflexions sur le Sénat :


« Une chambre comme le Sénat, qui a autant de pouvoir, où l’alternance n’est jamais possible, qui n’est pas élue au suffrage universel direct […], c’est une anomalie parmi les démocraties. Je la perçois comme une survivance des chambres hautes conservatrices. »

Cette phrase a provoqué l’indignation dans la majorité de droite au Palais du Luxembourg. En effet, ces propos s’inscrivent dans un contexte où le gouvernement et l’ Assemblée nationale sont de la même couleur politique, de gauche ; alors que le Sénat, lui est à majorité de droite. Ainsi, le Sénat faisait obstruction systématiquement au programme du gouvernement.

Cette hostilité au Sénat n’est pas nouvelle, ainsi, Raymond Triboulet, ministre du Général de Gaulle, déclarait « le Sénat est une absurdité, une incongruité » . Le Sénat est en but aux critiques, ses détracteurs remettent en cause son caractère démocratique, notamment l’ampleur de ces pouvoirs par rapport à son mode d’élection. Les propos de Lionel Jospin, en 1998 nous amène à nous demander quels arguments lui permettent de conclure à une « anomalie parmi les démocraties », et s’il s’agit réellement d’une anomalie?

Pour étudier cette question, nous verrons d’abord quel est le rôle et quels sont les pouvoirs du Sénat, puis, nous traiterons du recrutement des sénateurs, est il inadapté?


I. ROLE ET POUVOIRS DU SENAT.

A. La vocation du Sénat


En 1958, que la nouvelle République soit bicamérale est indiscutable. Les constituants ont pris comme point de départ le discours de Bayeux du 16 juin 1946 prononcé par le Général de Gaulle. A cet égard ses propos sont dénués d’ambiguïté : «  si les grands courants de politiques générale sont naturellement reproduits dans le sein de la Chambre des Députés, la vie locale, elle aussi, a ses tendances et ses lois… »

Ainsi, on voit que pour les « pères fondateurs » de la Constitution de 1958, le sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République », ce qui est inscrit à l’article 24 de la Constitution, c’est-à-dire les communes et les départements, puis plus tard des régions. Son existence se justifiait donc institutionnellement, par la nécessité de représenter les collectivités locales, de tempérer le centralisme parisien. Il retrouve même, dans l’esprit des constituants le rôle que lui donnait Gambetta de « Grand Conseil des Communes de France ».


En outre, en 1943, Michel DEBRE, artisan de la constitution de 1958, faisait valoir qu’ « il tempère les volontés trop neuves et trop vives, il relie la politique du présent à celle du passé et celle de l’avenir ». On voit donc que la seconde justification de l’existence de cette chambre est d’ordre politique, il devait être un élément de régulation face à une assemblée trop sujette aux revirements politiques brutaux. M. Debré et le Général de Gaulle comptaient alors prendre appui sur les notables contre les caprices du suffrage universel, et les desseins des partis politiques. En effet, on a voulu le concevoir comme un rempart à la bipolarisation de la vie politique.

TRANSITION : En 1958, il retrouve son titre prestigieux de Sénat, que la IV République avait changé pour celui de Conseil de la République. Mais ce n’est pas la seule « restauration » dont il bénéficie, en effet des missions comme celles qu’on lui assigne appellent l’attribution de pouvoirs importants.


B. Qui justifie l’ampleur de ses pouvoirs.


Il convient donc d’expliquer en quoi le Sénat dispose « d’autant de pouvoir ». La constitution promulguée le 4 octobre 1958, confère au Sénat une place éminente dans les institutions. Le président du Sénat devient deuxième personnage de l’Etat et assure l’intérim de la présidence de la République. Il dispose d’un pouvoir de nomination, aucune révision constitutionnelle ne peut se faire sans son accord. Surtout, il ne peut pas être dissouts


D’un point de vue législatif, la constitution confirmait les droits reconquis sous la IV République, le sénat disposait du droit d’initiative et du droit d’amendement.

Cependant, il convient de nuancer quelque peu nos propos, pour toute loi ordinaire ou financière, l’Assemblée nationale a le dernier mot. De plus, le Sénat n’a pas le droit de voter la censure du gouvernement, même si celui-ci peut lui demander de voter une déclaration de politique générale, cependant un vote négatif n’oblige pas le gouvernement à la démission.


Le Sénat dispose également de pouvoirs d’investigation : il peut créer des commissions d’enquêtes. Ce qui répond à sa volonté d’être garant des libertés.

Ses pouvoirs législatifs correspondent à son rôle : confronter les traditions et les avis des collectivités à la volonté de la majorité de la nation, pour parfaire le travail législatif.

Donc, la constitution de 1958 restitue au Sénat une place importante, mais cependant, le bicamérisme demeure inégalitaire.


C. La pratique parlementaire déforme la volonté des constituants

Initialement, on attendait une situation où comme sous la III République, l’exécutif gouvernerait avec l’appui de la chambre haute.

Mais, en 1959, alors que l’Assemblée est en majorité gaulliste, le sénat, lui, voit la revanche des partis de la IV République sur le revers de novembre 1958, on trouvait une majorité sénatoriale centriste. Donc, face à une assemblée « aux ordres » le Sénat retrouvait son rôle de défenseur des droits parlementaires, qui correspondait aux traditions de la haute assemblée comme chambre de contrôle et de réflexion.

Cette situation fera dire au général de Gaulle que le Sénat a un « privilège exorbitant et imparable, celui de tout bloquer. Le gouvernement n’a pas ce pouvoir puisqu’il peut être renversé par l’assemblée ;  le PR ne l’a pas, puisqu’il est tributaire du gouvernement, lui-même tributaire de l’Assemblée ; l’Assemblée ne l’a pas puisqu’elle peut être dissoute. ». Ainsi, un des deux sujets du référendum de 1969, était la fusion du Sénat avec le Conseil économique et social en une assemblée consultative et non plus législative. La réponse négative des Français clôt le débat institutionnel. Le sénat trouva ensuite lentement sa place dans les institutions de la République. Sous le ministère de Raymond Barre (1976-81), on peut le voir en constatant que le premier ministre lui a demandé à trois reprises d’exprimer sa confiance à l’égard du gouvernement. Le rôle de régulateur du Sénat semble alors à remettre en cause.

Mais avec l’arrivée de F. Mitterrand à la présidence et la majorité de gauche à l’AN, il repris son rôle de contestation, et joue de l’obstruction systématique aux projets gouvernementaux. C’est dans un contexte d’opposition de similaire de la part de la chambre haute que Lionel Jospin lança ces propos. L’idée ici, est qu’une seconde chambre qui n’assume son rôle de régulateur qu’en fonction de la couleur politique de l’exécutif, devient inutile. Ce dysfonctionnement peut se concrétiser par le taux recours au dernier mot par l’AN pour adopter une législation : la moyenne pour les gouvernement de gauche est de 34%, pour la droite 1.6%.

Enfin, il faut garder à l’esprit qu’historiquement, le Sénat crée en 1875, fut une concession faite aux monarchistes pour freiner l’évolution du régime vers la République. C’est en ce sens, qu’on peut comprendre la référence de Jospin aux « chambres hautes conservatrice ».

TRANSITION : Mais cette critique tient aussi au fait que, de façon caricaturale, on voit cette assemblée comme de composition immuable (« où l’alternance n’est jamais possible »), ce qui revient à la mise en cause du mode d’élection des sénateurs et donc du manque de représentativité de cette assemblée.



II. L’INADAPTION DU RECRUTEMENT


A. Le mode d’élection

Le Sénat est une chambre « qui n’est pas élue au suffrage universel direct ». En effet, les sénateurs sont élus au suffrage universel indirect, ce sont des élus d’élus. Ils sont élus par des grands électeurs, composant un collège électoral. Ce collège est composé des députés, des conseillers généraux, des conseillers régionaux et des délégués des conseils municipaux, ces derniers représentent 95% du collège. Ce sont donc principalement les délégués municipaux qui élisent les sénateurs. Pour les défenseurs du Sénat, la composition du collège électoral faisant la part belle aux petites communes est logique : la fonction du Sénat étant de représenter les collectivités locales, le collège doit être composé de manière à apparaitre comme l’émanation des collectivité territoriales.

Le nombre de délégués municipaux varie selon la population des communes : de 1 à 15 dans les communes de moins de 9000 habitants ; et tout le conseil municipal dans les communes de 9000 à 30000 ; pour les communes de plus de 30000 habitants on ajoute un délégué supplémentaire par tranche de 1000 habitants.

Rapporté au plan national, le collège électoral comporte donc prés de 150000 grands électeurs.

Jusqu’en 2003, le Sénat était renouvelé par tiers tous les 3 ans. Pour leur élection, les sénateurs sont divisés en deux catégories jusqu’en 2003 : les départements ayant au moins cinq sénateurs à élire, utilisent un système de représentation proportionnelle ; et les départements ayant moins de cinq sénateurs à élire utilisent le scrutin majoritaire à deux tours.

TRANSITION : Ce mode d’élection est depuis longtemps débattu et soumis à de rudes critiques notamment à cause des problèmes de représentativité qu’il entraine.


B. Le problème de la représentativité : le « temple du conservatisme »?


Lionel Jospin s’interroge sur le caractère démocratique du Sénat. On peut d’abord remarquer que le renouvellement par tiers assourdit les mutations du paysage politique français, et génère une distorsion dans le temps politique. Par exemple, les élections cantonales et régionales de mars 1992 marquent un échec retentissant pour la gauche ( sur 22 régions, 20 sont gagnées par la droite), pourtant, le PS apparait comme le vainqueur des élections sénatoriales de septembre, même si cette victoire est modeste (5sièges). L’explication est mécanique : ce sont les bons scores du PS aux municipales de 1989, qui parlent, surtout compte tenu du poids des communes dans le collège électoral. On remarque la lenteur du Sénat à répercuter les changements de la volonté populaire.


De plus, la composition du collège électoral favorise les petites communes, puisque elles ont davantage de conseillers municipaux, proportionnellement à leur population que les grandes villes. On constate donc une sur représentation des communes rurales : par exemple, les communes de moins de 500 habitants représentent 8.39 % de la population, et pourtant, elles bénéficient de 16.17% des délégués. Alors qu’à l’inverse, les villes de plus de 30000 habitants représentent 32.22% de la population, mais n’ont que 17. 25% des délégués. On voit donc que le Sénat dont le mode d’élection reflète l’émiettement communal, reflète de fait certains anachronismes territoriaux. Ce mode d’élection tend à favoriser la droite, puisque traditionnellement, les petites communes se situent à droite, ce qui explique qu’on remarque que jusqu’à cette année l’alternance n’avait jamais été possible.


On peut aussi remarquer que les sénateurs ne représentent pas le même nombre de citoyens, il existe des problèmes de sur- sous- représentativité : ainsi en 1995, dans la Creuse, chacun des deux sénateurs « représente » environ 65000 habitants ; alors que dans le Vaucluse chacun des deux sénateurs « représente » environ 234000 habitants.


C. Les ajustements et la réforme de 2003.

Face à ces problèmes de proportionnalité entre la population et le nombre de sièges, un effort a été tenté pour tenir compte de l’évolution démographique : ainsi, de nouveaux sièges on été prévus, et pourvu de manière progressive, ainsi, 39 sièges furent ajoutés entre 1977 et 1989.

En 1999, le gouvernement proposa une réforme, mais finalement en 2000, le texte fut amendé à tel point qu’il se retrouva vidé de son contenu. Le Sénat répond aux propositions socialistes en arguant du fait que puisque le Sénat représente les collectivités territoriales, sa base doit être géographique et non démographique. Finalement, la loi du 10 juillet 2000 abaisse le seuil de l’utilisation de la proportionnelle aux départements ayant au moins trois sièges à pourvoir. Mais la loi de 2003 rehausse ce seuil aux départements ayant plus de 4 sièges à pourvoir. De plus, cette loi de 2003, complétée par celle de décembre 2005, prévoient, une majoration graduelle du nombre de sièges entre 2004 et 2011, aujourd’hui, l’effectif total du Sénat est de 348 sièges. Cette réforme de 2003 réduit le mandat sénatorial à 6 ans, et en conséquence, le Sénat est désormais renouvelable par moitié.

Les élections sénatoriales de 2008, voient les effets de cette réforme : sur les 114 sièges en jeu, 40 l’étaient à la proportionnelle contre 16 sur 102 en 1998. Mais on remarque que c’est plutôt la droite qui bénéficie de la réorganisation électorale, par conséquent, la victoire de la gauche (61/114) à d’autres causes ( vote sanction de nombreux maires ruraux face à la politique de désengagent de l’Etat).


CONCLUSION :

On peut dire que par ses pouvoirs et sa vocation, le sénat semble justifier son existence, le bicamérisme répond à un souci d’efficacité par l’équilibre : en ce snes, il est démocratique. C’est pourquoi ses défenseurs le considèrent comme un garde fou démocratique.

Cependant, la pratique parlementaire a déformé les fonctionnements prévus par le Constituant, la Haute Assemblée a accédé à une dimension politique, et ne s’est pas trouvé à l’abri de la bipolarisation de la vie politique (80’s - 90’s).

En revanche, il subsiste des inégalités en matière de représentativité. Si l’on constate que les réformes de 2003 ont apportés certaines améliorations, on remarque qu’il reste des efforts à effectuer, comme le nivellement des disparités ( voir hommes/femmes).

A cet égard, on peut noter que deux ans après ces réformes, selon S. Royal, le Sénat demeurait un « anachronisme démocratique » et qu’il était alors pour A. Montebourg la « plaie du régime ».

On peut donc se demander si, aujourd’hui, la majorité sénatoriale étant passée à gauche en septembre dernier, le Sénat montrera la volonté de se réformer pour plus de représentativité et de démocratie, comme les partis de gauches le réclament depuis la fondation de la Ve République.

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