Si vous voulez contribuer ( ce serait cool ! ), envoyez vos travaux à : l3sciencespophenix@gmail.com ; je les posterai.

vendredi 28 octobre 2011

La Déclaration d'Indépendance des Etats-Unis.

La Déclaration d'indépendance des Etats-Unis

Introduction

Amorce : La Déclaration d'indépendance est un texte politique par lequel les Treize Colonies britanniques d'Amérique du Nord s'auto-séparer du Royaume-Unis, le 4 juillet 1776. Ce texte est marqué par l'influence de la philosophie des Lumières et tire également les conséquences de la Glorieuse Révolution de 1688. Suite à des abus constatés, les délégués des colons estiment donc qu'ils ont le droit et le devoir de se révolter contre la monarchie britannique. La déclaration d'indépendance est une étape majeure dans l'histoire des relations anglo-américaines : après une série de crises entre la métropole et les colonies, le roi George III et le parlement britannique décident d'imposer à ses colonies de nouvelles taxes sans les consulter, ce qui provoque le mécontentement des colons. Le souverain envoie des soldats pour mater la rébellion et imposer ses décisions : c'est le début de la guerre d'Indépendance (1775). C'est donc dans ce contexte que le Second Congrès continental, composé de délégués des treize colonies se réunis à Philadelphie, afin de rédiger la Déclaration d'Indépendance. Le projet est confié à un comité de cinq représentants. Mais c'est finalement Thomas Jefferson qui élabore une ébauche. Il devient de fait le principal auteur du texte même si à l'époque, on voulut faire penser que la Déclaration était une œuvre collective, les recherches des historiens et des juristes ont démontré que Jefferson en était bien le principal rédacteur. Il finit son travail le 21 juin 1776 et le soumet au comité qui fait quelques modifications. La déclaration est encore amendée au cours des débats du Congrès comme les passages sur la traite et l'esclavage sont supprimés, afin de ne pas mécontenter les régions du Sud. Le document définitif, écrit sur du parchemin, est approuvé et signé le 4 juillet par 56 délégués réunis à l'Independance Hall. La Déclaration est ensuite envoyée à l’imprimerie pour être largement diffusée.

Problématique : En quoi la Déclaration d'indépendance des Etats-Unis est-il un texte de combat à portée universelle, qui s'adresse à "l'opinion de l'humanité" ? Dans quel mesure cette déclaration d'indépendance justifie-t-elle le droit à la révolte basé sur la prudence ?

Annonce de plan : Rappelons finalement quelques-uns des grands principes qui ont guidé la rédaction de la Déclaration d'indépendance:
    1.    le gouvernement est fondé sur un contrat social qui lie le peuple et ses représentants et est obligé de protéger les droits naturels
    2.    et lorsque ceci n'est pas respecté ceci est un despotisme ainsi le peuple a le devoir de se révolter lorsque ces principes ne sont pas respectés

I. Les sources philosophiques de la Déclaration d'indépendance

Transition : S'inspirant de la philosophie des Lumières, en particulier des idées de John Locke, cette déclaration proclame les principes de liberté et d'égalité et servira de référence à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, rédigée pendant la Révolution française. ///

A. L'influence de John Locke

    L'influence principale de ce texte viendrait de deux textes du philosophe anglais John Locke : Traité sur le gouvernement civil dans lequel il affirme la légitimité de l'insurrection populaire lorsqu'un gouvernement souverain ne tient pas son rôle adéquatement « Les hommes étant tous, écrit-il, libres, égaux et indépendants (dans l’état de nature), nul ne peut être dépossédé de ses biens et assujetti au pouvoir politique d’autrui sans son consentement. » et le Second Traité sur le Gouvernement dans lequel Jefferson s'inspire du « vie, liberté et propriété » de Locke en le modifiant en tant que « vie, liberté et bonheur ». Les droits naturels comprennent la vie et la liberté. Locke ajoutait : « la propriété ». Jefferson, lui, préfère « la recherche du bonheur », un bonheur individuel et social. Enfin, la souveraineté du peuple ne saurait être restreinte. Elle découle du contrat social. Si la tyrannie porte atteinte à son intégrité, le peuple aura raison de faire valoir, avec prudence, son droit à la révolution – à condition, bien entendu, que ce ne soit pas « pour des causes légères et passagères. ». Cette philosophie lockienne a donc traversé l’Atlantique. Les colonies s’en inspirent pour construire leur système politique et pour justifier leurs récriminations contre la métropole. Les ouvrages de Locke figurent dans les bibliothèques des gentilshommes de Virginie et des marchands du Massachusetts. De ce point de vue, il n’est pas excessif de soutenir que les Américains s’opposent au roi d’Angleterre George III en prenant appui sur les idées anglaises. Ils sont même plus anglais que les Anglais. Le texte reprend ainsi la tradition anglaise républicaine, qui s'était exprimée au cours des Révolutions du XVIIe siècle.///

B. Les droits naturels des Hommes

    L'égalité : Le premier principe clairement affirmé est celui de l'égalité. Il ne s'agit pas naturellement d'une égalité socio-économique des membres de la société américaine mais d'une liberté de nature politique pour ceux qui sont considérés comme des citoyens à part entière du corps politique et surtout d'une égalité entre les Américains et les anglais. Remarquons en outre qu'en Amérique, à la différence de la France de 1789, il n'y avait pratiquement pas de privilèges héréditaires. Les seuls hommes qui ne fussent pas vraiment les égaux des autres, c'étaient les Noirs : or, malgré Jefferson, les colons, qui proclamaient l'égalité humaine, n'avaient pas l'intention d'émanciper les esclaves.
    La liberté : La deuxième idée centrale du texte est la liberté: il ne s'agit plus des libertés collectives des époques précédentes, mais de libertés individuelles qui sont proclamées haut et fort.
    Le bonheur : Le droit au bonheur et à la sécurité ; et non pas la rentabilité, l'expansion ou la consommation est ici évoqué. Le bonheur ou plutôt la quête du bonheur sont ici érigés en principe d'espérance. Il faut se garder de donner à ce bonheur un sens purement individualiste. Le bonheur est inséparable à la vertu sociale ; il dépend étroitement d'un bon gouvernement La Déclaration énonce donc en des termes voués à l'immortalité le droit de tous les êtres humains à la quête du bonheur. Mais l'ambiguité du mot « bonheur » a fait couler beaucoup d'encre. Le terme contient de façon implicite la notion de propriété. Il pourrait donc fort bien comprendre à la fois l'acquisition et la préservation des biens ainsi que la participation commune à l'intérêt public.///

C. L'atteinte aux droits fondamentaux

    Par conséquent pour Jefferson comme pour de nombreux Américains, ce ne sont pas seulement les droits des sujets britanniques d'Amérique qui ont été violés, mais les droits naturels inaliénables de l'homme (la vie, la liberté, la recherche du bonheur). "[La Déclaration] fait référence au "Dieu de la nature" et au "Créateur", le Dieu des philosophes, grand ordonnateur de l'univers, et aux "lois de la nature" dont découlent des droits. [Elle] ne prétend pas en faire une liste exhaustive puisqu'[elle] évoque certains droits inaliénables parmi lesquels [elle] cite, après avoir fait référence à l'idée d'indépendance et d'égalité, "la vie, la liberté et la recherche du bonheur". L'énonciation du droit à la vie mérite d'être souligné car elle ne sera pas reprise dans d'autres déclarations du XVIIIe ni du XIXe siècle." Ainsi ses droits inaliénables relèvent du Créateur, autrement dit de Dieu et aucun pouvoir humain ne saurait s'en prétendre dépositaire (d'où l'illégitimité de l'annexion), donc quand les droits sont bafoués il est non seulement du droit mais aussi du DEVOIR d'une nation de s'en débarrasser par la rébellion collective. Dans le droit fil de la philosophie des Lumières, le préambule de la déclaration d'Indépendance revêtait cependant un caractère universel, et se présentait bien comme comme une déclaration de droit. ///

Transition : La déclaration fonde en droit d'insurrection et établit le système de valeurs qui est à la base de la philosophie politique des américains. Exposé des griefs, ce texte est surtout le rappel des éléments fondamentaux établissant la société politique. La Déclaration de 1776 marque nettement la rupture avec la métropole et crée une nouvelle entité politique. ///

II. De la théorie philosophique à la réalité politique

Transition : La Déclaration d'indépendance énonce une théorie politique qui justifie l'insurrection et qui détermine les principes devant gouverner le nouvel État. Il y a donc l'affirmation de la nécessité de se séparer et la justification de résister aux excès de l'exécutif et de sa tyrannie en rompant le contrat qui n'a pas été respecté par un roi, despote absolu et arbitraire. ///

A. Une mise en accusation du roi anglais et de la "tyrannie" britannique

    Pour Jefferson, il existe une loi morale universelle que les hommes découvrent grâce à leur raisonnabilité. La Déclaration d'indépendance est donc faite non pas seulement pour le roi d'Angleterre et ses sujets, mais pour tous les hommes raisonnables qui peuvent ainsi constater les "injustices et usurpations répétées" qu'ont subies les colons américains. En effet, l'évocation des procédures qui ont été mises en place par les colons pour exhorter au dialogue ("nous n'avons pas non plus manqué d'égards envers nos frères de la Grande-Bretagne"), des multiples rappels de l'injustice des lois mises en place, du non-respect du symbole représenté par les colons à l'étranger et notamment en Amérique montre qu'il y a au sein même du peuple un sentiment de frustration et d'exaspération des colons qui se sentent bafoués par l'impérialisme britannique.Dès lors, ces colons clament leur droit à être respectés en tant que dépositaires du pouvoir aux Etats-Unis et dénoncent l'ingérence du roi dans ce qu'ils avaient déjà établi (législation, omniprésence militaire illégitime...) mais aussi, les abus des lois d'agression frontale envers les colons, par exemple le poids insupportable des taxes qui leur sont imposées. Le poids de la fiscalité, l'humiliation psychologique, la maladresse politique sont donc dénoncés. Le roi est ainsi déclaré "impropre à gouverner un peuple libre", la liberté étant ici vue comme allant de soi, comme légitime face à l'illégitimité de l'incompétence au pouvoir. Dès lors, rébellion nécessaire et inévitable.///

B. Le fondement d'un nouvel Etat.

    La Déclaration proclame alors la nécessité de l'indépendance des colonies à toute l'humanité qui pourra ainsi juger de la légalité de la révolution et de la droiture des intentions des représentants des États-Unis. Ceci arque donc une émancipation définitive dans la mesure où c'est une déclaration réelle sur un discours performatif. Déclaration en pure et due forme, avec divers énoncés dans les relatives qui annoncent les nouvelles règles universelles de l'Etat neuf indépendant. La souveraineté du peuple libre est affirmée et la répétition du « nous » consacre la formation d'une conscience nationale. Les colonies sont dégagées de toutes obligations mais l'accent est surtout mis sur ce qui a trait aux relations extérieures. La Déclaration ne règle pas le problème de l'Etat ou des Etats. Le transfert des souveraineté vers les Etats est clairement inscrit mais le problème de l'unité nationale n'est pas réglé. La déclaration est peu précise sur la nature exacte des compétences qui relève de chaque Etat. Le rôle des Etats indépendants est de « déclarer la guerre, de signer la paix, de contracter des alliances, de faire du commerce ». Il faut bien dire que ce texte n'a pas de prétention universelle mais qu'il conserve une grande efficacité dans la contingence du moment. Moins qu'une affirmation des droits fondamentaux de l'être humain, l'histoire de la Déclaration montre que la nation (terme qui désigne aux Etats-Unis l'Etat fédéral) résulte de la conjonction des intérêts de tous, ce qui manifeste très bien aussi la devise E Pluribus Unum. Et cet intérêt collectif, c'est de s'intégrer à part entière dans le concert des nations.///

C. Un texte de combat à portée universelle

    La Déclaration d'Indépendance eut un grand retentissement en Amérique du Nord. Le texte servit de propagande aux patriotes américains pendant la guerre d'Indépendance. Il fait partie des textes fondateurs de la nation américaine, aux côtés de la Constitution et du Bill of Rights. Le 4 juillet marque donc « le véritable acte de naissance des États-Unis » et cette déclaration fonde ainsi la première nation décolonisée  du Monde, bien que l’indépendance ne fût officiellement reconnue qu’en 1783 avec le Traité de Versailles. Ainsi la Déclaration d’indépendance n’est pas seulement un texte de circonstances. Elle fait suite à une longue réflexion sur le pouvoir politique, sur le lien social, sur l’histoire des idées. Elle prend racine dans le terreau d’un débat philosophique et historique. Thomas Jefferson respire l’air du temps. Il donne à ses propos une portée qui dépasse, de loin, le conflit entre l’Angleterre et ses colonies. C’est ce qui explique que la Déclaration, du moins son préambule, n’a pas cessé, depuis 1776, de s’adresser au monde tout entier. Elle influença par exemple les rédacteurs de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Au XIXe siècle , elle servit de référence aux leaders indépendantistes comme Hô Chi Minh au cours de la décolonisation vietnamienne.///

Conclusion

    Rupture définitive avec le passé, volonté de marquer la différence entre la particularité de la condition précédente et l'universalité des nouvelles règles (ça ressemble en fait à la DDHC, on peut ici faire une citation - comme toute déclaration universelle revendiquant ses droits du Juge Suprême). 
    Début d'un long processus qui ne s'est pas fait du jour au lendemain : 

1776 = Déclaration d'indépendance ; 
1777 = articles Confédération ; 
1787 = Constitution ; 
1789 = Déclaration des droits.

samedi 22 octobre 2011

colonisation et conquête de Madagascar


Exposé : Colonisation et conquête de Madagascar


A quelles difficultés les français doivent-ils faire face pour affirmer leur autorité sur Madagascar ?

I) Une prise en main laborieuse et maladroite.
1- Le protectorat sans nom (le statu quo).
2- L'expédition de Duchesne.
3- L'incurie française.

II) La pacification, instrument de la domination totale.
1- La politique de la tâche d'huile.
2- La francisation et la lutte contre l'influence britannique.
3- La consécration du pouvoir colonial : la chute d’un trône.



            La Troisième république est caractérisée par un suivi et une expansion de la politique coloniale. La France représente le deuxième empire colonial derrière l'Angleterre. L'empire français comprend environ 12 millions de km² et 70 millions d'habitants à son apogée en 1939. Les expéditions coloniales sont un moyen pour la France de retrouver sa place dans le monde après la perte de l'Alsace Lorraine. La politique expansionniste est encouragée par les milieux d'affaires où certains voient une base pour s'établir dans l'océan indien auquel le canal de Suez donne un intérêt. De plus, dans le cas de Madagascar les députés Réunionnais revendiquent Madagascar comme étant leur propriété et en demandent la conquête ou au moins la possibilité de s'y installer et de commercer.
            Madagascar, aussi surnommée l’île rouge se situe à 400km du Mozambique et couvre une surface de 590 000km² qui vaut presque le territoire de la France qui est de 680 000 km². Elle a pour capitale Tananarive située au centre de l'île (cf carte).
L’île est dominée par un clan, les Merina, ayant fondé un royaume dont le principal architecte fut  Radama Ier régnant de 1810 à 1828.  Ils sont alors fixés au centre de l’île, lui-même couvert de rizicultures irriguées et densément peuplé par rapport au reste de l'île. Cette royauté a noué des liens durables avec l’Angleterre, en effet, Radama Ier avait négocié l’aide militaire britannique, et sa lignée prend vite le parti du protestantisme, la religion anglaise, à cause des nombreux missionnaires anglais envoyés pour convertir les colonies. Le royaume malgache est ainsi soutenu par le Foreign Office (ministère des affaires étrangères) et la London Missionary Society.
            Cette présence anglaise déplaît à la France qui attache une certaine importance à Madagascar, et revendique des droits historiques remontant au XIIe siècle sur l’île. En effet, les français s’étaient déjà manifestés au XVIIe siècle en fondant Fort Dauphin au sud-est de l'île. Les anglais ont profité de la guerre de 1870 pour dépêcher les missionnaires protestants sur l'île. Au final, les deux empires vont s'entendre et l'Angleterre laisse la main mise de Madagascar aux français.
Lorsque les français parviennent à Madagascar ils sont confrontés à une île où l’unité politique est inachevée, voire inexistante. Par exemple le sud de l’île, un tiers de sa superficie totale, apparaît comme insoumis et la bande Ouest de l’île ne l’est guère moins.
            La France, pressée par les lobbies réunionnais et les lobbies d'affaire commence alors une conquête qu'elle imagine sans problème particulier. Cependant, elle va se confronter à de nombreux ennuis imprévus qui retarderont d'autant l'entrée définitive de l'île dans l'empire français.
            A quelles difficultés les français doivent-ils faire face pour affirmer leur autorité sur Madagascar ?
            Pour y répondre nous étudierons tout d'abord les difficultés des français à s'établir de manière durable sur l'île. Puis nous verrons comment la France parvient après de nombreuses difficultés à pacifier la région.

·Une prise en main maladroite.
·Le protectorat sans nom.

            La volonté colonialiste française approuvée par l'opinion publique constitue pour Rainilaiarivony, le ministre dirigeant Madagascar, un danger qu'il n'a pas immédiatement perçu. Il entretient avec la France des rapports conflictuels, son attitude est dilatoire, il refuse de traiter franchement les problèmes. Les relations franco-malgaches s'enveniment donc rapidement. En mai 1882, la France cesse toutes relations. Prenant peur et voulant éviter une guerre le ministre envoie Ravoninahitriniarivo, son neveu et ministre des affaires étrangères, en Europe et aux États-Unis à la tête d'une ambassade. Son but n'est pas de traiter le conflit franco-malgache puisque ses hommes ont reçu l'ordre de ne céder sur rien. Il veut plaider sa cause devant les grandes puissances pour qu'elles fassent pression sur la France. Cette délégation est un véritable échec, à tel point qu'à son arrivée à Paris la France ordonne le début des hostilités et s'empare de la ville portuaire de Majunga en mai 1883. La France soumet alors au ministre malgache un ultimatum. La France demande la cession de Madagascar au nord du 16e parallèle dans la région de Diégo-Suarez (cf. carte), le droit de propriété pour les français, l'indemnité d'un million pour les héritiers Laborde (ancien ambassadeur français de l'île décédé). Cet ultimatum est rejeté en bloc ce qui donne un bon prétexte à la France pour généraliser les hostilités.
            Les opérations militaires sont menées par la marine française. Appuyés par les canons de leur flotte les français se sont emparés de quelques ports comme Tamatave. Les malgaches, encadrés par des instructeurs britanniques se sont retranchés hors d'atteinte des lignes de tir française et occupent solidement leur position. La situation n'étant pas mesure d'évoluer on commence à négocier en combattant. Toutefois, aucune des deux partis ne veut faire évoluer ses positions. Au final, le 17 décembre 1885, Rainilaiarivony signe au nom de la nouvelle reine de l'île Ranavalona III un traité. Le traité ne résout en fait rien puisque les versions malgaches et françaises sont différentes selon les interprétations que chacun des deux partis en fait. La France veut un protectorat mais le ministre qui craint son opinion publique refuse le mot. Les deux pays transigent : un résident général français est chargé de présider les relations extérieures avec Madagascar mais les malgaches interprètent le texte en comprenant « les relations à l'extérieur de Madagascar ». La France obtient la mise en place d'un résident général Le Myre de Vilers qui s'installe à Tananarive et de vices résidents, en plus on obtient une meilleure protection des ressortissants.
            Le ministre se mit alors à tout faire pour retarder le plus possible les concessions faites à la France. Par ailleurs, la situation dans le pays devient critique après 1890, le ministre âgé et affaiblit rencontre des oppositions de plus en plus forte encore dispersées mais auquel la reine peut servir de catalyseur. Les fonctionnaires incapables et négligeant n'arrivent plus à maintenir l'ordre. Les Bara, par des incursions répétées ont crée une insécurité croissante. Les bandes de pillards ravagent la région et attaquent les voyageurs dont de nombreux européens pour les quel le résident général demande excuses et sanctions.
            Devant cette déliquescence du pouvoir royal une active propagande est menée à Paris pour une action rapide de la France.

·L'expédition de Duchesne.

            Rainilaiarivony ne s'imagine pas que la France pourrait se décider à une action brutale. Il n'a surtout pas compris que la convention franco-britannique du 5 août 1890 dans laquelle la Grande Bretagne en échange de Zanzibar a reconnu le protectorat français sur Madagascar livre désormais son île aux volontés expansionnistes françaises. En juin 1894 le Parlement français a donné au gouvernement tout les moyens d'agir et organise un corps expéditionnaire. La France tente une ultime démarche de conciliation en remettant au ministre dirigeant un ultimatum qui établit un protectorat réel. Le Premier Ministre refuse et au lieu de répondre dans les délais prévus il envoie un contre projet totalement irréaliste.
            Le 27 octobre 1894, Le Myre de Vilers amène son pavillon, la guerre est déclarée. Les hostilités débutent le 12 décembre 1894 Tamatave est occupée, le 15 janvier 1895 Majunga est également occupé. Le corps expéditionnaire arrive en février. Les forces françaises commandées par le général Duchesne sont importantes, il dispose de 15 000 hommes, 7 000 convoyeurs chargés de 7 000 mulets. Cependant, cette expédition spectaculaire est régie par une très mauvaise préparation. Le plus grand problème est le manque de moyens sanitaires,   5 756 soldats sont morts de maladies contre 19 qui ont été tués au combat. Côté malgache, le désordre est complet, les résidents de l'île n'opposèrent presque aucune résistance leurs troupes mal équipées battent en retraite ou abandonnent au premier coup de feu. Malgré les ravages causés par les maladies (la malaria et la dysenterie) les troupes françaises arrivent a avancer d'Andriba, la forteresse fantôme malgache où Duschene s’attendait à rencontrer une résistance acharnée, vers Tananarive. Finalement après cinq mois le général Duchesne et une colonne de 3 000 hommes parviennent à la capitale de l’île. La bataille s'engage le 30 septembre pour la capitale qui capitule sans résistance après quelques tirs de canons français. Le 1er octobre 1895 le général fait son entrée dans la capitale et présente à la reine Ranavalona un nouveau traité faisant cette fois de Madagascar un protectorat français officiel. Avant son départ, Duchesne fait exiler Raïnilarivoune, premier ministre et époux de la reine à la réunion, le faisant remplacer par un agent plus sensibilisés aux intérêts français. A part cela, les français laissent en place le même personnel politique sur lequel ils pensent pouvoir s'appuyer.
            Au début tout se passe bien. L'ordre se rétablit lentement, l'armée française, placée en garnison évacue le pays au fur et à mesure. Le général Duchesne est remplacé par un résident général civil, le préfet Hippolyte Laroche. Ce calme est en vérité trompeur car Madagascar est encore loin d'être soumise. Duchesne a déclaré sur l'expédition de Madagascar « nous sommes allés à l'essentiel » en effet, l'expédition a rapidement gagné la capitale pour faire céder le pays mais il reste de nombreux groupes de résistance notamment au sud de l'île dans les régions occupées par les Bara.

·L'incurie française.
           
            Dès novembre 1894 des insurrections éclatent, elles ont un caractère antichrétien et xénophobe. Les représailles sont sanglantes et peu à peu de nombreuses régions de l'Imerina se soulèvent.  Madagascar est dangereuse, notamment du fait de bandes armées, les Fahavals, sillonnant l’île que le général Voyron, qui dirige la force armée restée sur place, ne parvient pas à mater. L’insurrection enfle rapidement : Laroche écrit ainsi le 14 janvier au ministre André-Lebon : «je crois par moment être dans une maison de fous. Je suis entouré de gens ayant perdu tout sang-froid ». Des bandes s’unissent pour former des corps plus important et dangereux. Les Merina investissent ces groupes et y infusent un idéal de liberté passant par l’expulsion des européens. Ces bandes revêtent alors symboliquement le rouge, la couleur royale de l’île, et se font connaître sous le nom de menalamba, « toges rouges » : ils rejettent le christianisme et se replient sur le culte antérieur des ancêtres et l’autorité des ombiasy, sorte de sorciers shamans. Evitant le centre de l’île ils se cachent dans les forêts et combattent les français en ayant recours à des techniques de guérilla. Ils sèment la terreur et brûlent des villages tandis que les 3 chefs français, Laroche, Bourde et Voyron forment un triumvirat en désaccord. Les rebelles profitent de cette incurie des autorités françaises.
            Laroche, de son côté fait en sorte que la circulation et la possession d’armes soit interdite sur l’île, et valide une loi taxant l’alcool, élément ayant commencé à imprégner l’île dans de grandes proportions et tenue responsable pour partie de l’agitation ambiante.
            Le 6 Aout 96 Madagascar devient officiellement colonie française, ce qui a pour résultat de renforcer la présence et l’action des menalamba. Ces derniers isolent progressivement Tananarive en encerclant la cuvette et en menant des raids de tous les côtés à la fois.
Ils sont cependant déçus par l’absence de coopération de la part des habitants de la région qui semblent s’être européanisés et qui se sentent étrangers au combat et à l’idéalisme archaïque des menalamba. De plus la force militaire française est concentrée dans la capitale, la transformant en véritable bastion.
            Entre 96 et 99 le pouvoir français fait donc face à une révolte d’importance, et généralisée. Et se révèle incapable de gérer la situation devenue intenable : le 16 janvier, le secrétaire général de Laroche, Mr Bourde, écrit « je sens le pays s’effondrer sous nous, l’insurrection ne cesse de s’étendre, elle aura gagné tout l’Imerme dans trois semaines et nous serons bloqués dans Tananarive : l’expédition de Madagascar sera complètement à recommencer ». C’est alors qu’en France on fait appel à un personnage qui va s’avérer crucial dans la reprise en main de l’île.




II. La pacification, instrument de la domination totale.


La seconde partie de l’exposé montre assez clairement une rupture des méthodes employées pour mater Madagascar, et surtout l’œuvre d’un homme, le général Gallieni.
Gabriel Hanotaux, le ministre français des affaires étrangères en 94 a dit au sujet de Gallieni, je cite « il a reçu une forêt insurgée ; il a rendu un pays tranquille et prospère ». La question c’est comment, par quel miracle a-t-il réussi là où ses prédécesseurs ont échoué ? Comme on l’a vu auparavant la situation n’est franchement pas brillante sur l’île en 96. On a donc décidé de faire appel à un homme de poigne, le général Gallieni. Celui-ci a déjà fait ses preuves, au Tonkin notamment, mais il ne connait pas Madagascar, ou mal. Lorsqu’il arrive le 9 septembre avec ses 7 000 hommes il prend la mesure de l’anarchie qui règne : en fait seul l’Imerme, autrement dit le centre de l’île et la capitale, transformée en bastion presque assiégé est encore sous contrôle français. Paradoxalement, le 17 janvier 96 le résident Laroche avait fait signer à la reine un traité cédant Madagascar à la France et le 6 Août 96 Madagascar était devenue officiellement une colonie française, pourtant dans les faits le pouvoir français n’a jamais été aussi menacé.

1) La politique de la tâche d'huile.
Gallieni est clairement un homme d’action, qui ne tolère pas qu’on se mette sur son chemin : il fait en sorte que Laroche soit limogé au plus vite : il écrit ces mots au ministère des colonies : « veuillez faire comprendre au Résident Laroche que je veux prendre en main tous les rouages de Tananarive ». Une fois Laroche renvoyé en France  il occupe désormais seul la tête de l’administration. Il va alors mener d’une main de fer la pacification, en prenant d’ailleurs de nombreuses initiatives sans rendre de compte à personne : les directives sont longues à atteindre l’île, et Gallieni n’est pas du genre à patienter et à rester inactif en attendant des instructions.

Sa manière de gérer la crise diffère complètement des procédés traditionnels, comme la stratégie employée par Duchesne consistant à mener de grandes opérations militaires très coûteuses en vies et aux résultats incertains. Je le cite : « la conquête doit être une pacification qui fait tâche d’huile, et la pacification une action à la fois politique, administrative et économique autant que militaire ». Dans le cas présent il faut même parler de reconquête.
Gallieni concentre d’abord ses efforts sur les menalamba. Ces menalamba sont comme on l’a vu les héritiers des fahavels, « pillards », ayant  reconsidérés leur position et cherchant à passer du statut de brigand à celui de rebelle. Ces bandes interlopes se sont unies pour former des corps plus important et dangereux. Les Merina chassés du pouvoir influencent ces groupes et donnent à leur combat une dimension nationaliste. Le combat que leur livre Gallieni est lent et méthodique : mais chaque région nettoyée est stabilisée de façon durable. Gallieni utilise des techniques héritées de Faidherbe, caractérisées par un désir de mieux comprendre les populations locales, et par un recours à une forme d’ethnographie calculatrice, il applique en fait la politique des races, un outil très utile.
Qu’est-ce que la politique des races ? Elle consiste à faire en sorte que l’organisation administrative des territoires épouse les contours ethniques. A chaque peuplade sa province avec ses chefs nommés et contrôlés : c’est notamment sur cette stratégie  que repose la tentative de sape de l’influence des merina qui jouent un rôle prépondérant et unificateur dans la lutte contre l’envahisseur français. Les gouverneurs locaux des régions agitées sont donc déposés, remplacés par des cercles militaires, des assemblées populaires et un gouverneur « coopératif » issu de la population locale.
Après avoir récupéré le contrôle de la cuvette de Tananarive et brisé l’étau des menalamba,
La lutte se concentre contre 2 frères, Rabézavane, ancien gouverneur de la province qu’il a soulevé, et son frère de lait, Rabouzake, soutenus par l’église protestante anglaise. Les menalamba s’épuisent : leur politique de terre brûlée finit par les affamer eux aussi, et l’absence de ravitaillement en armes et munitions les condamne à s’affaiblir inéluctablement.
Progressivement les axes de communication sont dégagés. Un mois après le début de la campagne, la capitale et le grand port de Majunga, dans le sud de l’île sont à nouveau reliés. Parallèlement l’est de l’île et l’ouest des hauts plateaux sont ratissés par l’armée. Le 29 mai 97, Rabézavane se rend, et cette reddition est instrumentalisée par Gallieni et tournée en grand spectacle au cours duquel il pardonne Rabézavane devant une assemblée nombreuse. C’est pour lui un moyen d’affirmer sa suprématie tout en se montrant clément pour s’attacher l’adhésion de la population.
Tout en poursuivant la traque des menalamba, Gallieni procède à une purge impitoyable des soutiens à la cause de la rébellion. Il fait supprimer la fonction de ministre de l’intérieur, arrêter Rainandriamampandry qui occupait la charge et le fait condamner après un procès bâclé : il espère ainsi frapper au cœur de la révolte en supprimant celui qu’il suspecte d’être au centre de la trame insurrectionnelle, mais surtout parce qu’il avait la sympathie des menalamba qui voulaient le placer  à la tête du mouvement : il tombe en quelque sorte victime de sa réputation et de sa popularité plutôt que du fait d’actes avérés.
Le 15 octobre 96, le ministre de l’intérieur et l’oncle de la reine, convaincus de haute trahison sont donc fusillés. Sont en outre déportées à la Réunion quatre hautes personnalités elles aussi soupçonnées de complicités avec les rebelles, dont un autre oncle de la reine. Cette politique brutale semble porter ses fruits et permet de rapidement pacifier le pays. Gallieni gagne aussi à cette occasion le petit surnom affectueux de Maziaki « le cruel ».

Au printemps 97 tout le centre de l’île est enfin pacifié. Pour compenser la faiblesse numérique de ses troupes et fixer une paix durable, Gallieni créé des milices locales de partisans qu’il fait armer pour que ces derniers puissent faire face par eux même aux incursions des insurgés. La politique des races, encore et toujours. Et c’est efficace.
9 mois après son arrivée, les hauts plateaux de l’île, la côte orientale et une partie de la côte occidentale sont finalement soumis, ce qui représente les 2/3 du pays. Le 4 avril de la même année, Gallieni reçoit un câblogramme du ministre André Lebon lui apprenant que la chambre des députés a voté à l’unanimité un ordre du jour approuvant la politique suivie à Madagascar : on semble donc très satisfait en France de la manière dont Gallieni a résolu la crise tout seul comme un grand sans demander de compte à personne.
Deux semaines plus tard, le 30 avril 97, les colons de Tananarive adressent également leurs compliments au résident général en ces termes : « Les colons français réunis aujourd’hui en assemblée publique sont heureux et fiers d’offrir à Mr le général Gallieni l’expression de la joie qu’ils éprouvent. Les colons saisissent avec bonheur et empressement cette occasion de renouveler à notre armée et à M. le général Gallieni l’hommage de leur reconnaissance et de leur dévouement ».

2) La francisation et la lutte contre l'influence britannique.
Mais la pacification selon Gallieni ne s’arrête pas là : « mon programme est fort simple : franciser Madagascar, saper l’influence anglaise, abaisser l’orgueil et la puissance houve ». Tout est résumé. Pour instaurer une stabilité durable et une vraie hégémonie sur l’île, vaincre militairement les menalamba ne suffit pas. La politique des races va une fois encore se montrer utile : pour citer Lyautey « l’action politique est de beaucoup plus importante : elle tire sa plus grande force de la connaissance du pays et de ses habitants ; s’il y a des mœurs et des coutumes à respecter, il y a aussi des haines et des révoltes qu’il faut démêler et utiliser à notre profit ; en les opposant les unes aux autres ». Gallieni met donc à profit ses nouvelles relations avec les régions conquises pour s’attaquer aux Merina. Les merina, dont sont issus les monarques de l’île, et qui ont largement subit l’influence britannique étaient considérés comme la race supérieure de l’île, et la plus hostile à la colonisation : elle est dangereuse pour les intérêts français. On dresse donc contre elles d’autres tribus, comme les Sakalava, occupant les littoraux, le but étant de constituer « avec chaque peuplade un Etat séparé, administré par un chef nommé et contrôlé par nous » : c’est le système des « protectorats intérieurs » : ce procédé permet de confirmer l’effondrement du pouvoir des Merina au profit d’élites nouvelles.

Mais ce qui inquiète vraiment Gallieni ce ne sont ni les rebelles, ni les Merina, mais bien plutôt les alliés de ces derniers, en d’autres termes les anglais. « Mon gros ennui vient des anglais » écrit Gallieni, notamment des pasteurs anglais qui diffusent la haine du français dans la population. Selon Gallieni ils ont en fait pris « virtuellement la possession morale de l’île ».

Un problème de taille réside donc dans l’état d’esprit anglophile d’une bonne part de la population malgache, notamment la famille dirigeante, esprit développé par le biais de missions protestantes auxquelles le précédent résident, Laroche, ne s’était pas opposé, étant lui-même protestant. Cette force « virtuelle » est structurée par la London Missionary Society. Pour contrebalancer ces influences Gallieni établit une école neutre construite sur un enseignement officiel. La première de ces écoles est ouverte à Mahamasine et destinée à former les locaux à l’agriculture, au commerce, etc.  Il donne des directives claires concernant le français : « la langue française doit devenir la base dans l’enseignement dans toutes les écoles de l’île ».
Il mène une véritable guerre d’influence contre l’anglais, dont les hôpitaux et les écoles sont nombreux sur l’île : il réquisitionne ainsi l’hôpital anglais de Tananarive, construit sur un terrain cédé par la royauté en faisant pression sur la reine avec de révoquer cette donation antérieure. Il use du même stratagème pour déraciner les missions protestantes, confisquant les terres. La création de l’école le Myre de Vilers permet enfin de capter les élites en les formant à l’interprétariat ou à l’enseignement. Un pasteur anglais écrit « le résultat de ce grand effort a été considérable, et peut être dans aucune autre colonie la langue du conquérant n’a pénétré aussi vite et avec autant de vigueur dans la population indigène ». En 1904 le français est ainsi enseigné dans 668 écoles fréquentées par 66 700 élèves.

3) La consécration du pouvoir colonial : la chute d’un trône.
Les rebelles matés, le pouvoir d’influence anglais contrecarrée, Gallieni se tourne à présent contre le dernier grand symbole de la souveraineté malgache, la monarchie.
Duchesne avait fait exiler le premier ministre, Gallieni fait fusiller plusieurs personnalités, mais l’administration malgache n’a pas été complètement remaniée.
Gallieni va plus loin en 1897, il détruit le régime « féodal » en vigueur en supprimant les corvées et privilèges de la noblesse. Cette mesure permet de rallier ceux que Gallieni nomme les anciens vassaux à sa cause. Il détruit enfin intégralement le gouvernement et ne conserve pour l’assister dans la direction des affaires que l’ancien secrétaire du premier ministre, Rasanjy doté du titre de gouverneur général de L’Emyrne. Un pantin. Le coup de grâce, symbolique, va frapper la monarchie, déjà bien mal en point de l’île le 28 Février 1897.

Cela fait un bon moment que Gallieni guette la reine Ranavalona, cette dernière est à juste titre suspectée de ne pas porter les français en son cœur et de soutenir secrètement les soulèvements orchestrés contre l’occupant. La reine ne s’est jamais opposée directement à Gallieni, mais sur le plan symbolique elle incarne l’espoir souverainiste des rebelles. Gallieni passe finalement à l’action le 28 Février 97 : au milieu de la nuit la dernière reine malgache est destituée et forcée à l’exil : le 11 mars elle embarque à Tamatave et prend la direction de la Réunion. Symboliquement, la fête du bain, célébration de la royauté malgache, est supprimée au profit de la commémoration du 14 Juillet.
La ville de Tananarive, cité qui porte l’empreinte de la monarchie subit une métamorphose et se trouve transformée en centre du pouvoir de la République française. L’administration occupe donc symboliquement les anciens lieux de pouvoir, rassemblés dans la ville haute. Ce n’est pas un hasard si c’est là qu’on fera dresser le monument aux morts de la guerre 14-18. Le cœur politique et administratif de la capitale est lui-même transféré vers la Résidence de France construite en 1890. Avec le premier plan d’urbanisation de Tananarive, en 1925, l’urbanisme à l’occidentale se développera et repoussera la majeure partie de la population malgache dans les périphéries insalubres (sans qu’on puisse cependant parler de ségrégation officialisée). 

Conclusion.

La France a dû faire face à de nombreux obstacles pour venir à bout de Madagascar : distance géographique, climat propice aux maladies, tribus insoumises, monarchie hostile, influence britannique très marquée, et une mauvaise gestion de la première expédition ayant conduit à un véritable désastre humain. Cependant comme l’écrit Marc Michel la France trouve un « sauveur » en la personne du général Gallieni chevronné dans l’art de la pacification. En 1901 il a réalisé l’unification administrative et politique de l’île, abattu la monarchie, et réduit l’influence anglaise au profit d’une francisation énergique. Enfin pour marquer la soumission complète de l’île, il met en place une politique fiscale destinée à assurer l’autosuffisance financière de l’île : « L’établissement de l’impôt sur les populations récemment soumises constitue en effet l’affirmation du droit de conquête ». Aux antipodes d’un Duchesne qui disait être allé à l’essentiel, Gallieni a mis en place une politique coloniale efficace et complète : dans une note rédigée en 1901 il écrit : « la politique coloniale ne consiste pas à prendre ça et là, à conquérir et à assujettir sans suite et sans modèle. Une politique coloniale sait où elle va, elle a des vues, des théories, une philosophie, un idéal. Elle a une politique qui n’est ni l’assimilation, ni le refoulement, ni l’extermination. Surtout elle s’appuie sur des institutions qui donnent des garanties aux populations et une administration qui sert ses intérêts. » Il quitte en 1905 l’île rouge avec le sentiment d’avoir accompli sa tâche.
Ce n’est qu’en 1960 que Madagascar obtient enfin son indépendance. A cette occasion, un hommage tout particulier est rendu à Gallieni par la population reconnaissante, qui déboulonne la statue du général.



A partir de 1901 Gallieni fait également appliquer le code de l’Indigénat à Madagascar.  Ce dernier constitue en fait un ensemble juridique et règlementaire alternatif, puisqu’il ne concerne que les indigènes, revêtant un caractère répressif et permettant notamment l’application de sanctions collectives. Institué d’abord lors de la conquête d’Algérie.


mercredi 19 octobre 2011

exposé de sciences po (vendredi 14/10) sur le Sénat.

INTROCDUCTION :

Dans Le Monde du 21 avril 1998, un an après son arrivée au poste de Premier Ministre, Lionel Jospin dévoilait au public le programme que son gouvernement allait poursuivre pour le reste de son mandat. Il y exprimait ses réflexions sur le Sénat :


« Une chambre comme le Sénat, qui a autant de pouvoir, où l’alternance n’est jamais possible, qui n’est pas élue au suffrage universel direct […], c’est une anomalie parmi les démocraties. Je la perçois comme une survivance des chambres hautes conservatrices. »

Cette phrase a provoqué l’indignation dans la majorité de droite au Palais du Luxembourg. En effet, ces propos s’inscrivent dans un contexte où le gouvernement et l’ Assemblée nationale sont de la même couleur politique, de gauche ; alors que le Sénat, lui est à majorité de droite. Ainsi, le Sénat faisait obstruction systématiquement au programme du gouvernement.

Cette hostilité au Sénat n’est pas nouvelle, ainsi, Raymond Triboulet, ministre du Général de Gaulle, déclarait « le Sénat est une absurdité, une incongruité » . Le Sénat est en but aux critiques, ses détracteurs remettent en cause son caractère démocratique, notamment l’ampleur de ces pouvoirs par rapport à son mode d’élection. Les propos de Lionel Jospin, en 1998 nous amène à nous demander quels arguments lui permettent de conclure à une « anomalie parmi les démocraties », et s’il s’agit réellement d’une anomalie?

Pour étudier cette question, nous verrons d’abord quel est le rôle et quels sont les pouvoirs du Sénat, puis, nous traiterons du recrutement des sénateurs, est il inadapté?


I. ROLE ET POUVOIRS DU SENAT.

A. La vocation du Sénat


En 1958, que la nouvelle République soit bicamérale est indiscutable. Les constituants ont pris comme point de départ le discours de Bayeux du 16 juin 1946 prononcé par le Général de Gaulle. A cet égard ses propos sont dénués d’ambiguïté : «  si les grands courants de politiques générale sont naturellement reproduits dans le sein de la Chambre des Députés, la vie locale, elle aussi, a ses tendances et ses lois… »

Ainsi, on voit que pour les « pères fondateurs » de la Constitution de 1958, le sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République », ce qui est inscrit à l’article 24 de la Constitution, c’est-à-dire les communes et les départements, puis plus tard des régions. Son existence se justifiait donc institutionnellement, par la nécessité de représenter les collectivités locales, de tempérer le centralisme parisien. Il retrouve même, dans l’esprit des constituants le rôle que lui donnait Gambetta de « Grand Conseil des Communes de France ».


En outre, en 1943, Michel DEBRE, artisan de la constitution de 1958, faisait valoir qu’ « il tempère les volontés trop neuves et trop vives, il relie la politique du présent à celle du passé et celle de l’avenir ». On voit donc que la seconde justification de l’existence de cette chambre est d’ordre politique, il devait être un élément de régulation face à une assemblée trop sujette aux revirements politiques brutaux. M. Debré et le Général de Gaulle comptaient alors prendre appui sur les notables contre les caprices du suffrage universel, et les desseins des partis politiques. En effet, on a voulu le concevoir comme un rempart à la bipolarisation de la vie politique.

TRANSITION : En 1958, il retrouve son titre prestigieux de Sénat, que la IV République avait changé pour celui de Conseil de la République. Mais ce n’est pas la seule « restauration » dont il bénéficie, en effet des missions comme celles qu’on lui assigne appellent l’attribution de pouvoirs importants.


B. Qui justifie l’ampleur de ses pouvoirs.


Il convient donc d’expliquer en quoi le Sénat dispose « d’autant de pouvoir ». La constitution promulguée le 4 octobre 1958, confère au Sénat une place éminente dans les institutions. Le président du Sénat devient deuxième personnage de l’Etat et assure l’intérim de la présidence de la République. Il dispose d’un pouvoir de nomination, aucune révision constitutionnelle ne peut se faire sans son accord. Surtout, il ne peut pas être dissouts


D’un point de vue législatif, la constitution confirmait les droits reconquis sous la IV République, le sénat disposait du droit d’initiative et du droit d’amendement.

Cependant, il convient de nuancer quelque peu nos propos, pour toute loi ordinaire ou financière, l’Assemblée nationale a le dernier mot. De plus, le Sénat n’a pas le droit de voter la censure du gouvernement, même si celui-ci peut lui demander de voter une déclaration de politique générale, cependant un vote négatif n’oblige pas le gouvernement à la démission.


Le Sénat dispose également de pouvoirs d’investigation : il peut créer des commissions d’enquêtes. Ce qui répond à sa volonté d’être garant des libertés.

Ses pouvoirs législatifs correspondent à son rôle : confronter les traditions et les avis des collectivités à la volonté de la majorité de la nation, pour parfaire le travail législatif.

Donc, la constitution de 1958 restitue au Sénat une place importante, mais cependant, le bicamérisme demeure inégalitaire.


C. La pratique parlementaire déforme la volonté des constituants

Initialement, on attendait une situation où comme sous la III République, l’exécutif gouvernerait avec l’appui de la chambre haute.

Mais, en 1959, alors que l’Assemblée est en majorité gaulliste, le sénat, lui, voit la revanche des partis de la IV République sur le revers de novembre 1958, on trouvait une majorité sénatoriale centriste. Donc, face à une assemblée « aux ordres » le Sénat retrouvait son rôle de défenseur des droits parlementaires, qui correspondait aux traditions de la haute assemblée comme chambre de contrôle et de réflexion.

Cette situation fera dire au général de Gaulle que le Sénat a un « privilège exorbitant et imparable, celui de tout bloquer. Le gouvernement n’a pas ce pouvoir puisqu’il peut être renversé par l’assemblée ;  le PR ne l’a pas, puisqu’il est tributaire du gouvernement, lui-même tributaire de l’Assemblée ; l’Assemblée ne l’a pas puisqu’elle peut être dissoute. ». Ainsi, un des deux sujets du référendum de 1969, était la fusion du Sénat avec le Conseil économique et social en une assemblée consultative et non plus législative. La réponse négative des Français clôt le débat institutionnel. Le sénat trouva ensuite lentement sa place dans les institutions de la République. Sous le ministère de Raymond Barre (1976-81), on peut le voir en constatant que le premier ministre lui a demandé à trois reprises d’exprimer sa confiance à l’égard du gouvernement. Le rôle de régulateur du Sénat semble alors à remettre en cause.

Mais avec l’arrivée de F. Mitterrand à la présidence et la majorité de gauche à l’AN, il repris son rôle de contestation, et joue de l’obstruction systématique aux projets gouvernementaux. C’est dans un contexte d’opposition de similaire de la part de la chambre haute que Lionel Jospin lança ces propos. L’idée ici, est qu’une seconde chambre qui n’assume son rôle de régulateur qu’en fonction de la couleur politique de l’exécutif, devient inutile. Ce dysfonctionnement peut se concrétiser par le taux recours au dernier mot par l’AN pour adopter une législation : la moyenne pour les gouvernement de gauche est de 34%, pour la droite 1.6%.

Enfin, il faut garder à l’esprit qu’historiquement, le Sénat crée en 1875, fut une concession faite aux monarchistes pour freiner l’évolution du régime vers la République. C’est en ce sens, qu’on peut comprendre la référence de Jospin aux « chambres hautes conservatrice ».

TRANSITION : Mais cette critique tient aussi au fait que, de façon caricaturale, on voit cette assemblée comme de composition immuable (« où l’alternance n’est jamais possible »), ce qui revient à la mise en cause du mode d’élection des sénateurs et donc du manque de représentativité de cette assemblée.



II. L’INADAPTION DU RECRUTEMENT


A. Le mode d’élection

Le Sénat est une chambre « qui n’est pas élue au suffrage universel direct ». En effet, les sénateurs sont élus au suffrage universel indirect, ce sont des élus d’élus. Ils sont élus par des grands électeurs, composant un collège électoral. Ce collège est composé des députés, des conseillers généraux, des conseillers régionaux et des délégués des conseils municipaux, ces derniers représentent 95% du collège. Ce sont donc principalement les délégués municipaux qui élisent les sénateurs. Pour les défenseurs du Sénat, la composition du collège électoral faisant la part belle aux petites communes est logique : la fonction du Sénat étant de représenter les collectivités locales, le collège doit être composé de manière à apparaitre comme l’émanation des collectivité territoriales.

Le nombre de délégués municipaux varie selon la population des communes : de 1 à 15 dans les communes de moins de 9000 habitants ; et tout le conseil municipal dans les communes de 9000 à 30000 ; pour les communes de plus de 30000 habitants on ajoute un délégué supplémentaire par tranche de 1000 habitants.

Rapporté au plan national, le collège électoral comporte donc prés de 150000 grands électeurs.

Jusqu’en 2003, le Sénat était renouvelé par tiers tous les 3 ans. Pour leur élection, les sénateurs sont divisés en deux catégories jusqu’en 2003 : les départements ayant au moins cinq sénateurs à élire, utilisent un système de représentation proportionnelle ; et les départements ayant moins de cinq sénateurs à élire utilisent le scrutin majoritaire à deux tours.

TRANSITION : Ce mode d’élection est depuis longtemps débattu et soumis à de rudes critiques notamment à cause des problèmes de représentativité qu’il entraine.


B. Le problème de la représentativité : le « temple du conservatisme »?


Lionel Jospin s’interroge sur le caractère démocratique du Sénat. On peut d’abord remarquer que le renouvellement par tiers assourdit les mutations du paysage politique français, et génère une distorsion dans le temps politique. Par exemple, les élections cantonales et régionales de mars 1992 marquent un échec retentissant pour la gauche ( sur 22 régions, 20 sont gagnées par la droite), pourtant, le PS apparait comme le vainqueur des élections sénatoriales de septembre, même si cette victoire est modeste (5sièges). L’explication est mécanique : ce sont les bons scores du PS aux municipales de 1989, qui parlent, surtout compte tenu du poids des communes dans le collège électoral. On remarque la lenteur du Sénat à répercuter les changements de la volonté populaire.


De plus, la composition du collège électoral favorise les petites communes, puisque elles ont davantage de conseillers municipaux, proportionnellement à leur population que les grandes villes. On constate donc une sur représentation des communes rurales : par exemple, les communes de moins de 500 habitants représentent 8.39 % de la population, et pourtant, elles bénéficient de 16.17% des délégués. Alors qu’à l’inverse, les villes de plus de 30000 habitants représentent 32.22% de la population, mais n’ont que 17. 25% des délégués. On voit donc que le Sénat dont le mode d’élection reflète l’émiettement communal, reflète de fait certains anachronismes territoriaux. Ce mode d’élection tend à favoriser la droite, puisque traditionnellement, les petites communes se situent à droite, ce qui explique qu’on remarque que jusqu’à cette année l’alternance n’avait jamais été possible.


On peut aussi remarquer que les sénateurs ne représentent pas le même nombre de citoyens, il existe des problèmes de sur- sous- représentativité : ainsi en 1995, dans la Creuse, chacun des deux sénateurs « représente » environ 65000 habitants ; alors que dans le Vaucluse chacun des deux sénateurs « représente » environ 234000 habitants.


C. Les ajustements et la réforme de 2003.

Face à ces problèmes de proportionnalité entre la population et le nombre de sièges, un effort a été tenté pour tenir compte de l’évolution démographique : ainsi, de nouveaux sièges on été prévus, et pourvu de manière progressive, ainsi, 39 sièges furent ajoutés entre 1977 et 1989.

En 1999, le gouvernement proposa une réforme, mais finalement en 2000, le texte fut amendé à tel point qu’il se retrouva vidé de son contenu. Le Sénat répond aux propositions socialistes en arguant du fait que puisque le Sénat représente les collectivités territoriales, sa base doit être géographique et non démographique. Finalement, la loi du 10 juillet 2000 abaisse le seuil de l’utilisation de la proportionnelle aux départements ayant au moins trois sièges à pourvoir. Mais la loi de 2003 rehausse ce seuil aux départements ayant plus de 4 sièges à pourvoir. De plus, cette loi de 2003, complétée par celle de décembre 2005, prévoient, une majoration graduelle du nombre de sièges entre 2004 et 2011, aujourd’hui, l’effectif total du Sénat est de 348 sièges. Cette réforme de 2003 réduit le mandat sénatorial à 6 ans, et en conséquence, le Sénat est désormais renouvelable par moitié.

Les élections sénatoriales de 2008, voient les effets de cette réforme : sur les 114 sièges en jeu, 40 l’étaient à la proportionnelle contre 16 sur 102 en 1998. Mais on remarque que c’est plutôt la droite qui bénéficie de la réorganisation électorale, par conséquent, la victoire de la gauche (61/114) à d’autres causes ( vote sanction de nombreux maires ruraux face à la politique de désengagent de l’Etat).


CONCLUSION :

On peut dire que par ses pouvoirs et sa vocation, le sénat semble justifier son existence, le bicamérisme répond à un souci d’efficacité par l’équilibre : en ce snes, il est démocratique. C’est pourquoi ses défenseurs le considèrent comme un garde fou démocratique.

Cependant, la pratique parlementaire a déformé les fonctionnements prévus par le Constituant, la Haute Assemblée a accédé à une dimension politique, et ne s’est pas trouvé à l’abri de la bipolarisation de la vie politique (80’s - 90’s).

En revanche, il subsiste des inégalités en matière de représentativité. Si l’on constate que les réformes de 2003 ont apportés certaines améliorations, on remarque qu’il reste des efforts à effectuer, comme le nivellement des disparités ( voir hommes/femmes).

A cet égard, on peut noter que deux ans après ces réformes, selon S. Royal, le Sénat demeurait un « anachronisme démocratique » et qu’il était alors pour A. Montebourg la « plaie du régime ».

On peut donc se demander si, aujourd’hui, la majorité sénatoriale étant passée à gauche en septembre dernier, le Sénat montrera la volonté de se réformer pour plus de représentativité et de démocratie, comme les partis de gauches le réclament depuis la fondation de la Ve République.