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dimanche 6 novembre 2011

La mission Voulet-Chanoine (1899)

La mission Voulet-Chanoine (1899)
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I) La course au Tchad
1-Le contexte local
2-La préparation de la mission
3-Massacres et déconvenues

II) L'incident de Diankori (14 juillet 1899)
1-La contre mission Klobb
2-L'affrontement
3-La poursuite de la course au Tchad

III) L'explication d'un drame colonial
1-La réception politique
2-La réception médiatique


Introduction

-Contexte
Jusqu'aux années 1890, l'opinion française obsédée par la revanche, s'intéresse peu aux expéditions coloniales. La colonisation est dans les milieux politiques, d'abord combattue par ceux qui lui reproche de condamner le pays à la passivité sur le continent européen et de rendre impossible une alliance avec l'Angleterre (comme Clemenceau). Arrivé au pouvoir, les radicaux reprennent à leur compte la politique coloniale et le mouvement colonialiste progresse dans l'opinion qui s'enflamme au moment de la crise franco/anglaise de Fachoda (1898/1899).
Le texte proposé date du 29 octobre 1899, on se situe donc pleinement dans ce contexte, qui plus généralement marque la fin du partage de l'Afrique entre les puissances impérialistes européennes. Les conventions de 1890 et de 1898, obligent la France à renoncer au Sokoto (qui correspond à peut prêt au Nigeria) et à se contenter des régions sahéliennes, au nord-est de la Nigeria, qui correspond plus ou moins au Sud du Tchad.
Cette situation s'explique en partie par l'échec de plusieurs missions de colonisation, comme celle de Marchand qui donna lieu à la crise de Fachoda. Ou, pour prendre un autre exemple sur les trois missions conçus en 1890 par Eugène Étienne pour converger vers le Tchad, une seul réussi à atteindre la région, mais elle ne fait que la reconnaître puisqu'elle se heurte à l'État bien organisé du sultan Rabah (cf. carte). Le territoire accordé à la France est donc enclavé entre plusieurs zones d'influences, mais dans l'esprit des colonisateurs, elle revêt un intérêt stratégique capital pour les possessions africaines. En 1899, la métropole décide donc de résoudre définitivement le problème, en fessant converger sur cette zone trois colonnes militaires, fortement armée. L'une est dirigée par Émile Gentil et part du Congo, une expédition transsaharienne venant d'Algérie est sous les ordres de Fernand Foureau et du commandant Lamy, et enfin la dernière part de Saint-Louis (au Soudan), et prend le nom de mission « centre-Afrique Tchad ». Elle est placée sous le commandement des lieutenant Voulet et Chanoine, et fait l'objet de notre texte. Les méthodes expéditives de ses chefs lui feront frôler l'échec, tandis qu'au même moment, la France métropolitaine est divisée par l'affaire Dreyfus.

-Présentation de la source : Le texte est un article, issu du petit Parisien, l'un des grands journaux de l'époque, puisqu'il vend alors environs un million d'exemplaires quotidiennement. Il se veut neutre, par rapport aux autres grands quotidiens de l'époque et est alors placé sous la direction de Jean Dupuy.

-Analyse linéaire
L'auteur commence, ligne 1 à 30, par présenter l’expédition et ses deux principaux officiers, puis les difficultés auxquelles elle doit faire face (entre autre le manque d'eau), qui entraîne des abus de pouvoirs ;
Ensuite, les lignes 30 à 60 évoque la contre-mission du colonel Klobb et l'affrontement ce celui-ci avec le lieutenant Voulet ;
Les lignes 61 à 86 expose l'abandon de celui-ci par ses officiers puis par ses tirailleurs, et ligne 87 à 95, la reprise de la mission par le lieutenant Pallier ;
Enfin, l'auteur s'interroge sur les raisons de cette attaque, des lignes 96 à 106 et consacre la fin de son propos à un rappel à l'hommage fait au colonel Klobb.

-Problématique : À partir de ces différents éléments, on peut donc se demander en quoi cet article est-il révélateurs des mœurs coloniaux de l'époque, et de l'opinion publique métropolitaine ?

-Plan Pour répondre à cette question, nous présenterons dans un premier temps, la course au Tchad, puis l'incident de Diankori du 14 juillet 1899 et dans une dernière partie, les répercussions politiques et médiatique de cette crise en métropole.

I) La course au Tchad

1-Le contexte local
L'auteur de cet article nous rappelle à la ligne 5 que les deux capitaines reçurent les ordres de la Mission Afrique Centrale "il y a un an vers cette époque-ci". L'article date du 29 octobre 1899 mais la mission s'est réellement constituée en juillet 1898 à l'initiative du ministre des colonies André Lebon. On lit aux lignes 7 et 8 qu'ils "reçurent la mission d'aller reconnaître la zone soudanienne entre Saï, sur le Niger, et le lac Tchad". En 1890, une première mission d'exploration décidée par le gouvernement français a été lancée dans cette région, menée par le commandant Monteil. Donc plus qu'une mission de reconnaissance, cette Mission Afrique Centrale avait un véritable objectif de conquête. Avec les deux autres missions qu'elle devait rejoindre au terme de son avancée, la mission Foureau-Lamy et la mission Gentil, la mission Voulet-Chanoine formait un trio conquérant afin d'assurer à la France un contrôle rapide du coeur de l'Afrique : toutes ont pour objectif le Tchad et la prise de la région détenue alors par le sultan Rabah, soit par la négociation, soit par la force. La mission est pressé pour des régions climatiques, il s'agit de la terminer avant mars et le début de la période chaude. Il fallait également faire barrage aux ambitions anglaises dans la région. On apprend aux lignes suivantes que cette zone "venait d'être placée dans notre sphère d'influence par la convention franco-anglaise du mois de juin 1898". Voilà un élément important pour la compréhension du contexte colonial de l'époque : la rivalité franco-britannique. La Grande-Bretagne est la deuxième grande puissance coloniale dans cette région.  Au terme d'une convention entre la France et la Grande-Bretagne en juin 1898, les différents pays de cette zone d'Afrique sont réparti entre deux zones d'influence, française, et britannique. Cette convention est complétée par une convention du 21 mars 1899. Les territoires accordés à la France ne lui laisse que les régions sahéliennes subdésertiques, mais celles-ci présente néanmoins l'intérêt de relier les deux ensembles de l'AOF et l'AEF, au niveau du lac Tchad, il s'agit donc d'en prendre le contrôle au plus vite. Voulet et Chanoine on pour consigne d'éviter à tout prix les incidents diplomatiques, et doivent donc respecter le territoire accordé à la Grande-Bretagne.

2-La préparation de la mission

Le choix des officiers
Ligne 13 = "Les capitaines Voulet et Chanoine". Lorsque le général Lebon décide du lancement de cette Mission Afrique Centrale, il la confie à Voulet et Chanoine, qualifiés de "brillants officiers" par Paul Gaffarel, historien contemporain des faits, spécialiste de l'histoire coloniale. Paul Voulet est un officier d'infanterie coloniale, ayant débuté en Indochine. Il n'en est pas à sa première opération en Afrique (il a notamment participé lors de l'établissement du protectorat sur les pays de la Haute-Volta en 1897) et connaît donc le terrain. S'il est qualifié de brillant officier par Paul Gaffarel, on peut lire à l'entrée "Voulet" du lexique de la colonisation "qu'il ne paraissait avoir ni les aptitudes intellectuelles ni les qualités morales qu'exigeaient une telle responsabilité". Il reçoit le commandement, avec le grade de capitaine. Son équipier, Julien Chanoine est le fils d'un général qui fût un moment ministre de la guerre (septembre-octobre 1898). Il est capitaine de saphis algérien (ligne 7, unités de cavalerie appartenant à l'Armée d'Afrique). Les deux hommes se connaissent, comme nous l'apprennent les lignes 15 à 17 : ils ont "réussi à soumettre les chefs" du Gourounsi et du Mossi en 1893. Un an plus tard, Voulet devance les Anglais à Ouagadougou, réalisant ainsi la liaison entre le Soudan et le Dahomey. Ce sont tous les deux des aventuriers, plein d'ambition, partisans de la manière forte (ils sont déjà connus pour leurs méthodes brutales) et espèrent tirer de leur mission richesse et honneur. Ils sont accompagné du lieutenant Jolland, officier d'artillerie, les lieutenant Péteau et Pallier, le docteur Henric et trois sous-officiers constituent la mission.

Le départ
Lignes 18 à 20 : "C'est au mois de mars 1899 que Voulet et Chanoine, après une organisation complète de leur corps d'expédition, quittèrent Sansanné-Haoussa." Sansanné-Haoussa se trouve une centaine de kilomètres avant Saï, et c'est là qu'ils constituent leur corps d'expédition : Presque un millier d'hommes qu'ils réunissent dès le 1er janvier 1899. Ces hommes sont recrutés directement sur place, comme cela était souvent le cas (on leur promet du butin, des prisonniers). La mission armes et munitions mais peu de financements pour le recrutement et le ravitaillement, elle est donc obligée de procéder ainsi. Composée de 50 tirailleurs* réguliers, de 20 spahis, de 200 tirailleurs auxiliaires et de 700 porteurs, l'expédition est encadrée de 8 officiers et sous-officiers blancs. Une fois partie, cette mission se confronte à des difficultés et les étapes de massacre commencent.

3-Massacres et déconvenues
Ligne 22="le manque d'eau les contraignit à adopter un autre itinéraire". Ce manque d'eau est un véritable problème : la mission ne traverse que des villages déserts et ne rencontre que des puits bouchés. Le ravitaillement est très dur et la colonne doit faire ce que l'on appelle "vivre sur le pays", c'est à dire se fournir en hommes et ressources directement dans les villages traversés, ce qui implique de le faire de force. Pour ce faire, les gouvernements successif avaient pris pour habitude de laisser un champ assez libre à leurs militaires. Lignes 29-30 : "les capitaines Voulet et Chanoine s'étaient rendus coupables d'abus de pouvoir nombreux". On peut également soulever le problème de la notion d'abus de pouvoir dans une mission coloniale: qu'est-t-il légitime de faire ou non ? Dans tous les cas, ce terme d'abus de pouvoir est pour le moins un doux euphémisme. La colonne s'est livrée à de véritables massacres. Dès qu'une quelconque résistance se dresse face à eux, les commandants Voulet et Chanoine font exécuter les populations, femmes et enfants compris, sans distinctions (cf. témoignage annexe). Dans le même temps, ils généralisent les châtiments corporels sur leurs soldats (fustigation, coups de plat de sabre) pour affermir la discipline. La colonne descend sur le Niger en deux échelons, une partie sur le Niger (dirigée par Voulet) et une partie par la terre (dirigée par Chanoine, avec pour mission de recruter des porteurs en pays Mossi). Les deux troupes se rejoignent près de Say le premier janvier 1899. C'est alors que survient le différend avec le lieutenant Péteau, renvoyé en France où pour se défendre, il relate les faits et gestes de la mission, le Matin publie des extraits de ses lettres (ce qu'on apprend aux lignes 26-28) [transition !]
II) L'incident de Diankori (14 juillet)

1-La contre mission Klobb
Le texte évoque cette épisode aux lignes 31 à 35 (C'est alors que le colonel Klobb, reçut l'ordre de faire une enquête et, s'il y avait lieu, de prendre le commandement de la mission). Le gouvernement, présidé par le républicain Charles Dupuy est mit au courant d'une partie des exactions commis par Voulet et Chanoine, par les lettres du lieutenant Péteau et par le biais du commandement du poste du Say. La presse est mise au courant, l'opinion publique de métropole s'en alarme, et le 20 avril, il est décidé de remplacer les deux officiers à la tête de la colonne. Le colonel Arsène Klobb qui commande alors à Tombouctou (cf. carte annexe) est désigné pour les rattraper, il est secondé par le lieutenant Meynier, à la tête d'une mission légère.  Ils ont pour objectif de prendre directement le contrôle de la mission et de la mener jusqu'au Tchad, l'enquête qui est ici évoqué, apparaît finalement comme un prétexte. Dans le même temps, Voulet après avoir brisé la résistance des tribus Haoussa et de leur reine (Sarraounia), est à nouveau bloqué par le manque d'eau, et décide, vers mi-avril de passer par le territoire anglais. Ce fessant, il stop toute communications avec la métropole. En agissant ainsi, il espère que le succès de la mission effacera son mépris des ordres. Cette réaction est peu étonnante, puisqu'il est courant dans le précédent colonial, que les militaires outre-passe leurs ordres pour aller au devant de la conquête. Les pillages et les massacres s'intensifie, le plus marquant étant celui de Birni N'Koni, le 8 mai, cette ville qui compte alors 10000 habitants est complètement rasée. De manière général, la plupart des bourgs qui se trouvent sur leur routes connaissent le même sort (Derna, Tibéry). Cette stratégie rapporte un énorme butin, qui ralentit considérablement la colonne. Klobb rattrape donc rapidement ses huit mois de retard, et trouve sur sa route, de nombreuse traces des exactions de la colonne, que l'on connaît partiellement via les notes du lieutenant Meynier (cf. annexes). Sa rencontre avec Voulet se solde par un affrontement, 2)

2-L'affrontement
Le texte nous indique cet épisode à partir de la ligne 36, le 14 juillet, le colonel Kolbb, rejoignit Voulet et Chanoine. Au moment du récit, on sait que les émissaire envoyé en avant par Klobb on reçut des réponses évasive de Voulet, et celui-ci malgré l'ordre qui lui est donné de s'arrêter, marche toujours vers l'Est. Klobb finit par le rejoindre, le 13 juillet. Voulet refuse d'être remplacé, ce qui mettrait fin ses ambitions personnel de devenir le héros du Tchad. Par la même occasion, il sera dépouillé de tous les profits accumulés à l'occasion des pillages. Il prend donc la décision de continuer son aventure à son compte personnel, décision finalement logique avec son comportement antérieur. À l'approche de Kolbb, il lui indique par un messager si vous faite un pas de plus, je vous tire dessus. (épisode que rapporte l'article ligne 51-53). Voulet tient parole, donnant lieu au drame de Dankori (du 14 juillet 1899), où ses hommes tuent Kolbb et blesse Meyier.
Le texte nous indique ensuite, que revenu auprès de ses compagnons, Voulet déclara qu'ils emmenait avec lui ses tirailleurs pour se constituer dans l'Afrique un État indépendant. (ligne 61-65). Cette réaction à été confirmée par Joalland (cf. annexe), qui rapporte que Voulet aurait déclaré à son armée, qu'il reniait la France et était devenus un chef noir en quête d'un nouvel État, dans des régions jusqu'alors hors d'atteinte des puissances européennes. Il essaye de convaincre les autres officiers de la mission, et même Meynier, de le suivre dans son projet. Mais la plupart, dont Joalland et Pallier, qui redoutaient les conséquences prévisible de cette position, demandent, de retourner au Soudan et finalement, seul Chanoine lui reste fidèle (ligne 68-70). Les deux hommes ne comptent alors plus que sur leurs tirailleurs, mais ceux-ci ce sont depuis longtemps organisé, et veulent désormais rentrer chez eux. Lorsqu'on leur annonce qu'il ne faut plus envisager de retour au Soudan, ils se soulèvent, et Chanoine est tué le 16 juillet, Voulet qui avait réussi à leur échapper est finalement tué par une sentinelle le 17 (ligne 79-85). La mort des différents chef de mission, ne vas pas pour autant interrompre la course au Tchad : 3).

3-La poursuite de la course au Tchad
La dernière partie de l'article indique que le lieutenant Pallier à pris le commandement de la mission, qu'il a laissé les lieutenants Joalland et Meynier à Zinder (cf. carte annexe) et qu'avec le reste de la mission il s'est replié vers Dosso (cf. carte annexe), d'où il tentera d’opérer la jonction avec la mission Foureau-Lamy. Effectivement, la colonne allégé à 170 hommes joins le Tchad en octobre 1899, soit à peu près au moment du texte, mais elle est sous la direction de Joalland et non de Pallier. Ce dernier, et environs la moitié des soldats, sont retourné en arrière le 4 septembre.
Le village de Zinder, que la population avait évacuer fut lui aussi pillé et le trésor du sultan fut razzié. Meynier cite dans son journal cet épisode comme normal, puisqu'il a touché un village dépendant du sultan Rabah, et il justifie le pillage comme représailles d'un vol de bœuf attribué à ce village. On voit donc que même si la mission change de commandement et adopte une aptitude moins violente, la politique de vivre sur le pays, qui avait conduit aux exactions de Voulet, reste en vigueur.
Au début de l'année 1900, les trois missions (Joalland Meynier, Fourreau Lamy et Gentil) se réunissent sur les rives du Tchad et le 22 avril de la même année, Rabah est tué à Kousséri par les forces réunis des trois missions. En septembre, un décret crée le « Territoire militaire des Pays et Protectorats du Tchad », territoire qui est rattaché en 1910 à la Fédération d'Afrique Équatoriale.

Pour conclure sur cette partie, on peut donc dire que l'approche du colonel Klobb à conduit une violente réaction de la part de Voulet. Même si la conquête du Tchad n'en est finalement que peu affecté, cela jette un certain trouble dans l'opinion publique, ce que l'on peut percevoir dans le texte III). 



III) L'explication d'un drame colonial

1-La réception politique
Après que l'incident de Diankori ait été rendu public, on a avancé plusieurs explication sur la réaction de Voulet, celle-ci pose en effet un malaise profond, puisque des militaires de l'armée coloniale française on tiré sur d'autre militaire français. Il faut donc, d'une certaine manière expliquer ce paradoxe à l'opinion publique à qui l'on vante depuis longtemps les bienfaits de la colonisation. Le texte évoque, ligne 96 à 100, l'hypothèse que Voulet a été frappé d'une attaque de folie, subite, due aux fatigues de sa campagne, et au terrible climat africain. D'autres explications on été avancé comme celle de certaine maladie africaines, ou encore celle qui parait déjà plus plausible, mais qui apparaît plus tardivement, de la frénésie de sang qui se serait emparer de la colonne au fil des massacres. Au final, il faut retenir qu'en choisissant l'explication de la folie, on dédramatise l’événement et surtout on diminue la responsabilité de la politique du gouvernement. Cette affaire est surtout révélatrice des mœurs militaires et coloniaux de l'époque, et certains auteurs estiment que l'erreur de Voulet et de Chanoine a été de tuer un blanc, qui plus est un colonel. Dès lors ils deviennent des criminels, dont on invoque la démence pour couvrir le crime mettant du même coup fin à de brillante carrière militaire dans le cursus colonial (d'ailleurs Joalland et Meynier seront plus tard généraux).
Ainsi, il semble le gouvernement ait reproché au deux hommes leurs retards et leur manque de communications plus que leurs excès. Le colonel Klobb avait juste pour consigne de reprendre en main la mission, on aurait donc gardé les même hommes que sous Voulet. D'ailleurs, malgré les preuves, celui-ci n'était pas sérieusement menacée puisque l'on ne songe pas à leur reprocher leur désobéissance. Dans les derniers jours qui précèdent sa mort, Kolbb n'envisage d'infliger à Voulet que quelque semaine d'arrêt de vigueur, en raison de sa tentative pour l'empêcher de le joindre. Une fois encore l'idée est qu'il faut atteindre au plus vite le Tchad et assurer la mainmise effective sur les rives Nord et Est réservées à la France par les accords internationaux.
Dans la même idée, on à parfois expliqué la révolte des tirailleurs (évoqué à la ligne 80) devant leur chef comme une forme de loyalisme envers l'armée française, ce qui offrait l'avantage de diminuer la portée du scandale. Il semble qu'en fait ils souhaitaient surtout rentrer au Soudan et lorsque la mission, réorganisé rentre à Zinder, il se révolte de nouveaux, et sont finalement renvoyé, sauf une petite partie de volontaire, qui accepte, de reprendre la route du Tchad avec Joalland.

2-La réception médiatique
Au même moment, en métropole, l'opinion publique est plongée au cœur d'une autre affaire militaire qui salit l'image de l'armée aux yeux des citoyens : l'affaire Dreyfus. Les deux affaires participent à une vague de récriminations contre l'armée, même si l'affaire qui nous intéresse passe clairement au second plan à côté du scandale provoqué par l'affaire Dreyfus. Cependant, celle-ci joue un rôle dans la révélation de l'affaire Voulet-Chanoine au public, puisque cacher celle-ci c'était risquer de renforcer les dreyfussard si les massacres venaient à être connus. En livrant les faits au public, il s'agissait donc d'être prudent. La presse est avertit le 20 août 1899, (soit six semaines après les faits) et les destructions apparaissent d'autant plus choquante, qu'elle on lieu dans le Dahomey, un territoire déjà contrôler par la France. Mais la conquête du Tchad viens rapidement mettre fin au scandale.
On lit aux lignes 48-50 que "l'on possède maintenant les détails donnés par l'un des membres de la mission Voulet-Chanoine, le lieutenant Pallier". On peut donc essayer de voir comment les médias ont retranscrit l'information et quelles réactions cette affaire a pu enclencher au sein de la population métropolitaine. Ligne 46="Plusieurs versions circulèrent" : On sait que dès la fin du mois d'août, l'affaire est en première page de la presse nationale : Le Radical, ou L'écho de Paris le 23 août qui refuse même de croire à la culpabilité des officiers : « Le crime reproché au chef de la mission du Tchad est à ce point abominable qu'on est en droit de refuser encore créance complète à un récit venant d'indigènes* dont nos officiers chaque jour ont à constater la duplicité. » Le 6 octobre, après confirmation des faits, on lit dans Le Petit Journal : « Pourquoi tant de tapage scandaleux, tant de joie à nous dénigrer, à nous avilir pour l'aberration d'un seul ou, ce qui est plus misérable encore, pour un accès de fièvre chaude ? ». Là encore, il semble que derrière la couverture médiatique informative de l'affaire Voulet-Chanoine se cache une volonté d'isoler cette affaire, de montrer qu'elle n'est l’œuvre que d'un homme frappé de folie (on invente même le terme de « soudanite »), dans le but de ne pas salir l'image des missions coloniales. Le fait que celui-ci aurait, imaginé formé un État indépendant (l.64) participe à cette idée, puisqu'en fessant ainsi il renie sa nationalité française. On peut toutefois douter de cette information, qui nous viens du lieutenant Joalland, qui avait lui-même participé à la mission et avait dans une large mesure couvert ses supérieurs. Cet épisode est cependant largement repris dans la presse. Le Petit Parisien, même s'il se permet de douter de la folie de Voulet (ligne 99 = "on le voudrait"), précise que "les autres Européens de la mission, à l'exception d'un seul, ont abandonné aussitôt l'officier criminel", précision allant dans le même sens que les autres articles de presse. Comme dans l'extrait proposé, ce qui est  frappant c'est donc que les massacres, qui avait pourtant déclenché le scandale, ne sont même plus mentionner. Tout au plus, le texte parle t-il d'abus de pouvoir nombreux, ce qui reste peu dire comparer aux témoignages que l'on à ensuite récupéré sur le déroulement de l'affaire. La fin de l'article, érigeant Klobb en "héros et martyr" (ligne 112), veut redorer l'image des officiers d'infanterie coloniale : ces missionaires sont patriotes, respectueux des valeurs du bon militaire, en opposition à la folie de Voulet.
Conclusion
Pour conclure, on peut donc dire que l'extrait proposé est intéressant, puisqu'il est significatifs des relations que pouvait entreprendre la métropole avec son empire. La mission centre-afrique tchad permet d’assurer le contrôle de la France entre le Soudan et le Tchad, en mettant fin à la menace de Rabah. De nouvelles conventions, vont, en 1904 et 1906, redéfinir la frontière du Nigéria britannique au profit de la France. Du même coup, les exactions de la colonne tombe dans l'oubli et les détails de l'affaire tombée marquée par le silence pour plus de cinquante ans, tandis que l'Afrique en garde, encore aujourd'hui, un très vif souvenir.
Ainsi, lorsque Meynier publie, dans les années 1920,  Les conquérants du Tchad, ses supérieurs lui imposèrent de supprimer toute références aux événements. D'autre livre qui parle de cet épisode ne peuvent être diffusé. En n'évoquant pas les massacres, on peut donc porter une critique au texte, mais cela permet aussi d'illustrer pleinement le climat de l'époque. Il est d'ailleurs difficile d'évaluer les pertes de causé par l’expédition, même si la plupart des auteurs s'accorde pour parler de quelques milliers de mort, il ne ressort aucune donnée exact. Ce non-dit peut s'expliquer par le fait que l'affaire est trop révélatrice des méthodes de l’extension coloniale, où la violence fait partie de la norme militaire. La propagande de l'époque présente les résistances à l'extension colonial plutôt comme celle de grand chef qui s'oppose à la diffusion de la civilisation. Quant il sont vaincu, la résistance doit donc s'arrêter. Or cette idée est trompeuse, lorsqu'on l'applique à des espaces où il n'y a pas d'État constitué et où l'envahisseur se heurte à la résistance de petit chef locaux, c'est ce que trouvèrent Voulet et Chanoine sur leur passages, comme le montre l'exemple de la reine Sarraounia.
Le système colonial en lui même encourage donc les dérives, et la mission centre-afrique tchad n'est absolument pas un cas isolé, on compte de nombreux autres incidents de ce type, surtout en Afrique, mais aussi en Indochine.
Bibliographie

Revue
-PIERRE Michel, L'affaire Voulet-Chanoine, l'Histoire n°69, 1984, p. 71 ;

Outil de travail
-JEAN Martin, Lexique de la colonisation française, Dalloz, 1988, 395p. ;

Ouvrages généraux
-COQUERY-VIDROVITCH Catherine, l'Afrique occidentale au temps des français : colonisateurs et colonisés (c. 1860-1960), Édition la découverte, 1992, 460p. ;
-MEYER Jean, TARRADE Jean, REY-GOLDZIGUER Annie, THOBIE Jacques, Histoire de la France coloniale, tome 1, Des origines à 1914, Armand Colin, 1990, 846p. ;
-REBÉRIOUX Madeleine, La République radicale ?  : 1898-1914, Édition du Seuil, 1975, 253p. ;

Ouvrages spécialisés
 -CLAYTON Anthony,  Histoire de l'armée française en Afrique, 1830-1962, A.Michel , 1994, 550p. ;
-SURET-CANALE Jean, Afrique noir-géographie civilisations histoire, Édition sociales, 1973, 395p.
La mission Voulet-Chanoine (1899)-Annexes
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Ils sont de ceux qui tenaient des raisonnements à l'Allemande, sur les avantages de la terreur pour rendre les conquêtes plus faciles, prétextant que la vraie guerre humanitaire est la plus rapide, donc la plus impitoyable, et avaient la prétention de gagner le cœur de leurs soldats en laissant libre cours à leurs plus bas instincts, les moins avouables-Général Meynier.

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La population du pays [à l'est du Niger] jusqu'alors indépendante avait fort mal accueilli l'arrivée de cette horde d'envahisseurs qui ne faisaient pas faute, en l'absence de colonne de ravitaillement organisée et de crédits prévus pour l'achat de vivres, de faire main basse sur tout ce qu'elle trouvait sur son chemin-Général Meynier.

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Des patrouilles doivent s'approcher des villages s'en emparer à l'arme blanche, tuer tout ce qui résiste, emmener les habitants en captivité, s'emparer des troupeaux. Le 9 au matin la reconnaissance rentre au camp avec 250 bœufs, 500 moutons, 28 chevaux, 80 prisonniers. Quelques tirailleur ont été blessés. Afin de « faire un exemple » le capitaine Voulet fait prendre vingt femmes-mères, avec des enfants en bas âge et à la mamelle, et les faits tuer à coup de lance. Les corps ont été retrouvés ensuite par le commandant du poste de Say­-Vigné d'Octon (La gloire du sabre).

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Le sort d'un village au delà du Say : La fraction de la mission ayant séjourné là-bas avait été bien accueillie. Le lendemain, de nombreux porteurs ayant été demandés, tous les hommes valides s'enfuirent dans la brousse, les vieillards, les femmes, les enfants seuls restaient. On les fit tous sortir, et après les avoir fait placer sur un rang, des feux de salves les abattirent jusqu'au dernier-Témoignage de Toureau dans  Vigné d'Octon.

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Meynier décrit les traces de la mission : Larges foulées dans les herbes et sur les sentiers, objets divers abandonnés, etc., et surtout villages incendiés et ossements humains épars...
Doundahé, Maraoua, furent les principales étapes avant l'arrivée à Birni N'Koni. Ici, nous pûmes lire sur le sol et parmi les ruines de la petite cité les diverses phases de l'assaut de l'incendie et du massacre... Les fossés avaient été remblayés par endroits pour servir de fosses communes et on voyait surgir, de-ci, de-là, des débris humains […]. Plus la colonne avançait, plus ces spectacles macabres devenaient fréquents et horribles. C'étaient autour du grand village de Tibéry, les cadavres de dizaines de femmes pendues dans les bosquets. Ou bien à la croisée de deux pistes, on découvrait le cadavre de quelque guide soupçonné d'avoir voulu égarer la mission. L'impression la plus pénible fut causée par la rencontre de deux cadavres de fillettes (9 et 10 ans) suspendues à une grosse branche d'arbre...
Dans les villages rencontrés, les puits sont presque partout comblés ou pollués par des monceaux de cadavres dont on a peine à distinguer s'ils sont d'animaux ou bien d'humain.

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Quant à moi, leur dit-il (Voulet), je suis hors la loi, je renie ma famille, mon pays, je ne suis plus français, je suis un chef noir. L'Afrique est grande, j'ai six cents hommes qui me sont dévoués ; pour me prendre, il faudra cinq mille hommes et vingt millions ; je ne crains rien.
Je ne regrette rien. Voilà quatre jours que j'ai envisagé cette situation et ce serait à refaire que je le referais sans hésiter. En somme, mon action de ce matin n'est autre chose qu'un coup d'État. Si nous étions à Paris, je serais aujourd'hui le maître de la France-Éxtraits du rapport Joalland, cités à la tribune de la Chambre par le ministre des colonies, Albert Decrais (séance du 30 novembre 1900).

Témoignages cités dans Afrique noir-géographie civilisations histoire, Jean suret-Canale, éditions sociales, 1973 (p. 295-307)

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