La pensée contre révolutionnaire.
Introduction :
En 1789, la Révolution Française éclate. Les révolutionnaires s’emploient à débarrasser la France des derniers soutiens de la monarchie et annexe également quelques petits Etats comme la Savoie. La Savoie est à l’époque une petite monarchie possédant un Parlement qui ne sert qu’à enregistrer les décisions royales. Joseph de Maistre fait partie de ces parlementaires, de formation juridique, il exerce le métier de magistrat. Quand les révolutionnaires arrivent en Savoie, il fuit le pays et part se réfugier en Suisse puis en Russie. Comme Platon, de Maistre est un métaphysicien, comme saint Augustin et Bossuet, il est partisan du providentialisme : c’est Dieu en personne qui mène le monde et fait l’histoire. C’est donc un théocrate, adversaire impitoyable de la Révolution française. Le livre essentiel de Joseph de Maistre est intitulé les considérations sur la France, il a été publié à Neufchâtel en 1796 et à Londres en 1797. C’est dans ces considérations qu’il faut chercher le fond de la pensée de Joseph de Maistre. Ce livre est profondément inspiré des écrits de Edmund Burke, le savoyard reprend l'ensemble des arguments de Burke, il y ajoute toute une conception du monde, qui deviendra le bréviaire des doctrines contre-révolutionnaires françaises et l’une des bases de l’école contre-révolutionnaire. Le théoricien contre-révolutionnaire Burke avait en effet prévu la terreur de 1792. C’est là que Joseph de Maistre décide d’écrire lui aussi son vœu d’une contre-révolution. Le livre qu’il publie s’oppose à la Révolution en s’appuyant sur ses faiblesses et en démontrant sa violence.
Quels arguments Maistre avance-t-il pour démontrer la décadence de la Révolution qui provoque la décrépitude de l’Europe?
Pour y répondre nous verrons d’abord la vision que Joseph de Maistre a de la Révolution française. Puis nous suivrons le cheminement intellectuel de Maistre en étudiant la théorie de la contre révolution. Enfin nous terminerons par l’idée prédominante de la pensée Maistrienne, la théocratie.
I. La Révolution française ou le mal absolu.
a. Son opposition face à la nature.
Joseph de Maistre développe ses idées en se basant sur la nature mais, de même que Burke, il donne à ce concept un sens totalement différent de celui que les philosophes du XVIIIe siècle leur attribuaient. Ligne 6-7 « Tout annonce que la nature n’est en rien dans ces mouvements car le premier caractère de ses créations c’est la puissance jointe à l’économie des moyens ». Pour Joseph de Maistre, la nature, c’est la nature de l’homme, c’est-à-dire la nature d’un être intelligent, religieux et social. L’homme qui vit selon la nature n’est pas le sauvage que décrit Rousseau mais c’est l’homme qui vit en société et seule l’histoire peut nous renseigner sur la nature de l’homme. Or, l’homme qui a vécu en société, dans les âges historiques, a toujours vécu dans des sociétés régies par des souverains ; la monarchie est donc un gouvernement selon la nature. Par conséquent, une rédaction du pacte social n’a pas de sens. L’art de réformer ne réside pas dans le renversement total des institutions pour ensuite les reconstruire sur des théories abstraites et idéales, mais, au contraire, dans celui de les rattacher à des principes internes et cachés qu’il faut découvrir dans l’histoire.
b. La Révolution est un châtiment.
Pour de Maistre, la Révolution est satanique. C'est un châtiment de Dieu punissant la France de son impiété. Ligne 12 « il n’y a point de souveraineté en France, tout est factice, tout est violent, tout annonce qu’un tel ordre des choses ne peut durer ». Maistre insiste sur le fait qu’après les deux échecs qui se sont traduit par la Chute originelle et par le Déluge, Dieu a procédé d’une nouvelle façon. Pour les contre-révolutionnaires la révolution est un « châtiment providentiel ». Elle est radicalement mauvaise, elle n’est qu’un châtiment envoyé par Dieu aux Français pour les punir d’avoir trahi la mission qu’il leur a confiée. Depuis le baptême de Clovis, la France avait reçu un mandat spécial celui de fille aînée de l’Eglise, elle devait conduire les autres nations selon les volontés de la providence. Cette fille ingrate à fait le contraire en tirant de son sein les lumières. Rousseau est notamment montré du doigt comme le fauteur de tout. C’est pour la rappeler à sa vocation originelle que Dieu à jeter ce fléau sur la France. Dieu veut par ce moyen, d’après de Maistre, provoquer le départ des chrétiens et des prêtres dans toutes l’Europe qui vont rendre compte des excès de la Révolution et de la nécessité d’y mettre un terme. Certes le constat est sévère mais tout n’est pas pour autant perdu à condition de suivre la thèse contre révolutionnaire.
II. La théorie contre révolutionnaire
a. La raison selon Joseph de Maistre.
La raison de Joseph de Maistre n’est pas la raison des philosophes. Ligne 14-15 : « La philosophie moderne et tout à la fois trop matérielle et trop présomptueuse pour apercevoir les véritables ressort du monde politique ». La raison humaine laissée à elle-même n’est qu’une brute dont la puissance se réduit à détruire. La raison seule ne peut produire que des disputes. Ligne 22-23 « Il est une vérité aussi certaine, dans son genre, qu’une proposition de mathématique ; c’est que nulle grande institution de résulte d’une délibération ». Or, l’homme n’a pas à disputer sur des problèmes qu’il ne peut pas résoudre, mais il doit croire ; la raison, c’est donc la croyance, et la raison a pour élément fondamentaux les préjugés. En ce qui concerne la nature et la raison, Joseph de Maistre professe ses idées inspirées de très près par Burke. De plus, Maistre, magistrat en Savoie a toujours connu le fonctionnement d’une assemblée élue pour approuver les lois du souverain et uniquement en ce but. D’après lui cela fonctionnait parfaitement et il ne faut pas détruire ce qui fonctionne pendant si longtemps.
b. Le temps garant de la continuité.
Après avoir ainsi définit la raison et la nature, Joseph de Maistre aborde le problème des constitutions. Comme il l’a fait déjà dans ses pamphlets, il condamne les constitutions écrites et les déclarations des droits qui, estime-t-il, sont absurdes, de véritable non-sens. Lignes 15-19 « Une de ses folies est de croire qu’une assemblée peut constituer une nation, qu’une constitution, c’est-à-dire l’ensemble des lois fondamentales qui conviennent à une nation, qui n’exige que de l’esprit des connaissances, de l’exercice et que l’on peut apprendre». Pour lui, une constitution est le résultat d’une germination insensible, grâce à une infinité de circonstances fortuites. Lignes 25-26 « Une constitution écrite telle que celle qui régit aujourd’hui les Français, n’est qu’un automate, qui ne possède que les formes extérieures de la vie ». Ainsi, de Maistre n’écarte pas la constitution écrite, mais à condition qu’elle ne soit pas basée sur un raisonnement abstrait, et qu’elle soit l’émanation de la constitution nationale non écrite. Les considérations sur la France constituent, en effet, une attaque en règle contre la constitution de l’an III. Il est très intéressant de comparer ces Considérations à celles du Suisse Benjamin Constant, publiées à la même époque et qui ont un but diamétralement opposé. On pourrait dire que le livre de Maistre, à la différence de celui de Constant, a pour but de démontrer la faiblesse du gouvernement de la France et la nécessité de ne pas s’y rallier. La Constitution de l’an III pourrait être appliquée à n’importe quel pays [effectivement, elle le sera aux « républiques sœur »] ainsi cette constitution n’est pas une véritable constitution, c’est même l’antithèse d’une constitution. Dans la pensée de Maistre la seule constitution envisageable est celle voulue par Dieu.
III. La Révolution : Une calamité dont il faut se prémunir pour sauvegarder la France.
a. La Révolution en Europe dévore la France.
Après avoir condamné la constitution de l’an III, Joseph de Maistre examine le problème de la guerre que la Révolution poursuit contre l’Europe. Pour lui, la guerre est une chose normale, elle fait partie de la vie de l’humanité. Mais cette guerre, qui donne momentanément des victoires à la France, se retournera contre la France. Pour de Maistre, la victoire de la contre-révolution est une chose certaine, immanquable, il suffit d’attendre. Lignes 29-30 « le retour à l’ordre ne peut être douloureux parce qu’il sera naturel, et parce qu’il sera favorisé par une force secrète, dont l’action est toute créatrice ». La Révolution est un miracle, c’est une chose surnaturelle qu’on ne peut pas expliquer scientifiquement mais un autre miracle réside dans la persistance de la foi catholique en France et en Europe malgré les persécutions dont les catholiques sont victimes. L’expansion de la Révolution française en Europe a été voulue par la Providence, afin de mettre l’Europe en contact avec le clergé français forcé d’émigrer. Ce sont les prêtres émigrés qui montrent aux autres peuples de l’Europe quelles persécutions le catholicisme a subies en France ; par leur exemple, par la vie austère, pure et morale qu’ils mènent en exil, ils éduquent les autres nations. Lignes 30-31 « on verra précisément le contraire de ce que l’on a vu ». La révolution conclue de Maistre, est donc une lutte à mort entre le christianisme et la philosophie. Ou bien la Révolution gagne et une autre religion apparaît mais ce sera une religion satanique ou bien le christianisme l’emportera et il s’établira une forme une forme de société renouvelée, rajeunie. La contre-révolution pour de Maistre est inévitable et se fera à l’heure voulue par Dieu, mais elle ne saurait manquer d’arriver pour supprimer la violence crée par la Révolution et ramené à un ordre plus sain, la monarchie.
b. Le retour inévitable à la monarchie.
Pour Maistre, l’expérience nous donne davantage des leçons d’humilité que de sciences politiques. Elle nous avertit de ne pas toucher aux ordres, on ne peut rebâtir les ordres détruits et encore moins à en inventer de nouveaux. Entre les lignes 31 et 33, il expose le fait que la violence engendrée par la Révolution ne pourra se régler que par le retour de la monarchie. La souveraineté à une origine divine ; démocratie et souveraineté sont donc incompatibles. La démocratie n’étant qu'une association d'homme sans souveraineté. Il prend lignes 34 et 35 l’exemple du crime. Pour de Maistre le crime est puni par divers moyens. Le souverain à la prérogative de punir les crimes. C’est en ce sens qu’il est le représentant de Dieu. Pour lui un homme peut être envoyé au supplice pour un crime qu’il n’a pas commis mais payer en fait pour un autre crime. La Providence exécute donc naturellement la justice. De plus, La puissance de guérir attribuée à certains princes ligne 36 tient aussi à ce dogme universel de l'origine divine de la souveraineté. Enfin, Maistre s’appuyant sur la violence constaté de la Révolution pendant la terreur rassure son lecteur à la fin de son texte en écrivant « la contre-révolution, ne sera point une révolution contraire mais le contraire de la révolution ». Joseph de Maistre ne demande pas que l’on rétablisse les anciens régimes, tels qu’ils étaient avant 1789 car il les juge mauvais et responsables de la Révolution. Il veut que l’on bâtisse un régime nouveau, essentiellement basé sur la religion, un régime théocratique. La monarchie est donc toute indiquée car le roi est le représentant de Dieu sur terre. En effet, Une nation est faite pour le gouvernement sous lequel elle excelle dans de nombreux domaines ; pour la France de 1796-1820, c’est bien la monarchie qui convient, qui est le meilleur régime.
Pour conclure, Joseph de Maistre ne voit dans la révolution que l’œuvre d’un Dieu voulant punir les hommes de leur impiété. Pour lui il est évident qu’une constitution relève d’une coutume qu’elle n’a pas à être écrite en aucun cas. Il suit les thèses des autres contre-révolutionnaires en blâmant les penseurs des lumières responsable du châtiment divin. Dans son ouvrage il expose le fait de revenir très vite au régime voulu par Dieu. Il faut noter que Maistre ne dit nullement que, dans l’absolu, il n’y a qu’un régime politique parfait, la monarchie. Il considère simplement que c’est le meilleur régime pour la France. La Révolution est donc un miracle, une épreuve à surmonter, elle est violente mais c’est un mal régénérateur et nécessaire.
Joseph de Maistre, Burkes et Bonald construisent les base de la contre-révolution qui deviendra une véritable école de pensé reprise notamment par les Maurrassiens qui retiennent avant tout de Maistre ce qu’ils appellent sa « politique expérimentale ». Puisque ce qu’Il conteste le plus ce n’est pas la quête violente d’uniformisation mais l’orgueil anti-divin de la démarche qui consiste à vouloir reconstruire l’homme à partir seulement de la Raison. La démesure d’hommes qui, en dépit de leurs moyens chétifs, se jugent en mesure non seulement de maîtriser mais d’élaborer des ordres sociaux infiniment complexes, sur le modèle du mécanicien créant sa machine.
Annonce de la conférence de Florian Rouanet du 25 octobre 2013 !
RépondreSupprimer"Les méfaits de De gaulle et du Gaullisme" :
http://florianrouanet.wordpress.com/2013/10/26/les-mefaits-de-de-gaulle-et-du-gaullisme/
Sujets abordés : Capture au fort de Douaumont, entre-deux-guerres, conflit Pétain/De Gaulle, guerre civile franco-française, Ve République, France coloniale, forces juives, doctrine et actualités…
Toutes autres interventions : https://www.youtube.com/playlist?list=PLsM4lSiFTxkd0j0g-Lh1InXTj6E9Sof2S
bonsoir, ... quel été le texte ci-dessus commenté ?
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