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dimanche 6 novembre 2011

Peut-on parler d'une crise de la représentation politique?


Peut-on parler d’une crise de la représentation politique ?

INTRODUCTION

                  La France est comme toutes les démocraties occidentales, une démocratie représentative, c'est-à-dire une démocratie où l’exercice du pouvoir par le peuple se fait de manière indirecte, par l’intermédiaire de représentants qui reçoivent un mandat. Depuis ses origines, ce modèle est vivement critiqué. Ses détracteurs craignent une dépossession du pouvoir réel du peuple, et une distorsion entre la volonté des représentés et celle des représentants, introduite par la délégation. Rousseau, pour qui la volonté générale ne se représente point, dénonce l’aliénation constitutive de la représentation qu’il compare à l’esclavage. Pour Marx, la représentation masque la domination économique de la bourgeoisie, sous couvert d’un intérêt général qui est en réalité que l’intérêt égoiste des possédants. Le principe de la représentation politique a continuellement été remis en cause : antiparlementarisme des sections parisiennes de « Sans culottes » contre l’assemblée législative en 1792, le bonapartisme, le boulangisme, les ligues des années 1930 etc. Mais depuis 20 ans au moins, nombre d’observateurs ont diagnostiqué, ce que Pierre Rosanvallon appelle un « malaise dans la représentation » politique, qui parait d’autant plus grave qu’elle dépasse le cadre de la conjoncture et laisse à penser que le système représentatif est remis en cause.
                  Assiste-t-on a une crise de la représentation politique, dans sa pratique et dans ses principes ?
                  Dans un premier temps, nous analyseront les symptômes qui laissent à penser que nous assistons à une crise de la représentation politique, puis nous démontrerons que ce qui est remis en cause est moins le principe de la représentation même, que l’évolution de la société et des modes de représentation.


I – Les symptômes d’une crise de la représentation politique …

                  Les symptômes de la crise de la représentation prennent diverses formes : augmentation de l’abstentionnisme et du vote protestataire, chute de l’engagement dans les institutions représentatives traditionnelles, et une méfiance envers les représentants traditionnels.

A.     Crise du vote : Augmentation de l’abstentionnisme et du vote protestataire

En France, tous les records d’abstention aux élections ont été battu ces 15 dernières années, et ceci pour tous les types d’élections. Record battu en 2009 pour les élections européennes avec prés de 60% d’abstention, en 2007 pour les législatives avec 40% d’abstention au premier tour, en 2010 pour les régionales avec 54% d’abstention.
On distingue 2 formes d’abstention : l’abstentionnisme d’indifférence, en faible hausse, celui de citoyens éloignés du système politique, et dont l’abstention reflète la distance sociale et culturelle qui le sépare du système politique ; et l’abstentionnisme de protestation, qui lui ne cesse de croitre, qui celui de citoyens qui ne se retrouvent plus dans le système politique tel qu’il fonctionne, protestant contre le système des partis et les hommes politiques.
Cette augmentation de l’abstention est davantage du à l’augmentation de l’abstentionnisme de protestation que de l’abstentionnisme d’indifférence.
                  De plus, on assiste à un émiettement des voix et une augmentation du vote protestataire. L’électeur ne se sentant plus représenté par les partis de gouvernement traditionnels se tourne vers des partis peu attachés à la démocratie représentative. Ainsi peut s’expliquer l’ascension du front national, et dans une moindre mesure, le vote pour les partis d’extrême gauche (LO et LCR).
                  Parallèlement, on assiste à un phénomène de volatilité électorale. L’électeur, ne se sentant plus clairement représenté par un parti bien défini, a tendance à ne plus voter pour le même parti.

                  Cette inflation abstentionniste s’accompagne d’une crise de l’engagement politique dans les institutions représentatives traditionnelles.


B.     Crise de l’engagement dans les institutions représentatives traditionnelles

Les partis politiques apparaissent comme la forme d’organisation la mieux adaptée au système représentatif, car étant l’organe de médiation entre les instances de décision et les citoyens, par l’intermédiaire du vote. Ils n’ont jamais cessé d’être critiqués. Ils passent pour des vecteurs de l’intérêt privé, du carriérisme… et connaissent depuis ces 20 dernières années une crise profonde.
En effet, on assiste à une chute du nombre des adhérents et militants. L’adhésion à un parti politique n’est le fait que d’un petit nombre de citoyens, environ 5% en France. Le militantisme au sein des partis a connu un fort déclin qui semble signifier un affaiblissement de leur légitimité.
Par exemple :
-        Le PC est passé de 520 000 adhérents en 1978 à 138 000 aujourd’hui
-        L’UMP (ancien RPR) est passé de 670 000 adhérents en 1981 à 120 000 dans les années 2000
-        Le PS est passé de 805 000 en 1981 à 130 000 dans les années 2000
                 
Même constat pour les syndicats. Ils contribuent comme les partis politiques au fonctionnement du système représentatif : ils servent de contre poids au pouvoir patronal dans les entreprises, et servent également de groupe de pression tendant à infléchir la politique gouvernementale. Cependant on assiste à un mouvement de désyndicalisation important. Aujourd’hui, le taux de syndicalisation est de 8% alors qu’il était d’environ 16% il y a 30 ans. D’après un sondage réalisé en 2006, 79% des personnes interrogées n’avaient pas le sentiment d’être bien représentée par un syndicat.

Cette crise des organisations traditionnelles de représentation est grave car la demande des citoyens ne sont plus clairement articulés et le système politique a du mal à les entendre.
S’accompagne parallèlement à une méfiance envers les représentants.


C.     Crise de confiance envers les représentants

L’image des représentants politiques s’est fortement détériorée. Un sentiment de rupture est visible entre les représentant et les représentés. Ces derniers ne se sentent plus correctement représentés par la classe politique. Dans un sondage réalisé par l’institut SOFRES en juin 2000, seuls 24% des personnes interrogées pensent que les hommes politiques se préoccupent d’eux.
De plus, par la multiplication des affaires judiciaires dans lesquels sont liés les représentants politiques, une impression de corruption de l’ensemble de la classe politique contribue à la méfiance des citoyens envers leurs représentants. Par le même sondage réalisé en juin 2000, seuls 29% des personnes interrogées pensent que la plupart des hommes politiques sont honnêtes.

Cette méfiance vis-à-vis de la part des représentés est grave car la démocratie représentative repose avant tout sur la confiance des citoyens envers leurs représentants


Cette méfiance envers la classe politique, accompagnée d’une augmentation de l’abstentionnisme et du vote protestataire, et de la chute de l’engagement dans les organisations représentatives traditionnelles, montent qu’il existe bien une crise de la représentation politique. Mais cette crise est avant tout une crise de la représentation politique traditionnelle, qui ne répond plus aux réalités politiques et sociales et qui tend à être remplacée par de nouveaux modes de représentations.


II - … Traduisent moins une remise en cause du principe de la représentation politique qu’une mutation de la société et des modes de représentation

                  La crise de la représentation politique est due à un manque d’adaptation des instances représentatives traditionnelles aux nouvelles réalités politico-sociales. Ainsi on assiste à une mutation des modes de représentation politique.

A.     Les causes de cette crise : un manque d’adaptation aux nouvelles realités politico-sociales

Les causes de cette crise de la représentation politique traduisent en effet une inadaptation des organisations représentatives traditionnelles aux nouvelles réalités politiques, sociales et économiques. En effet, les causes sont multiples et sont symptomatiques des changements que connait la société française.
                 
1-     Les causes politiques

-On assiste à une crise des référents bi-séculaires de la gauche et de la droite. Une majorité de français considèrent que ces catégories sont dépassées. Ils reprochent en effet une trop grande proximité politique des 2 principaux partis de gouvernement
-De plus, est critiqué l’archaïsme des organisations traditionnelles de représentation. Est dénoncé l’aspect bureaucratique, à autorité verticale, en inadéquation avec les aspirations notamment des jeunes générations, partisans d’organisations peu hiérarchiques et participatives (nous le verrons dans le B)
-Les organisations partisanes sont considérées comme peu représentatives de la société française. On dénonce un manque de représentativité sociale et démographique : peu de femmes, peu de jeunes, et de représentants de couches populaires. Les partis sont considérés comme des organisations de bourgeois.
Enfin, la crise du marxisme à la fin des années 70, accentué par la chute de l’URSS, laisse orphelin une grande partie de l’électorat, ce qui alimente l’abstentionnisme et le vote protestataire.


2-     Les causes sociales et économiques

Avec les changements que connait la société, on assiste à une érosion du vote de classe. La bipolarité sociale (ouvriers, petits salariés VS classes aisées) qui structurait le vote (gauche / droite) est remise en cause par le processus de « moyennisation de la société ».
La crise économique et la mondialisation ont réduit les marges de manœuvre des pouvoirs politiques nationaux. Les instances traditionnelles de représentation paraissent dépassées et ne sont plus des contrepoids efficaces.


                  Ce qui est donc critiqué n’est pas le principe de représentation politique, mais au contraire, le manque de représentation des institutions traditionnelles et l’incapacité de répondre aux nouvelles réalités politiques et socio-économiques. Ainsi apparaissent de nouvelles organisations de médiations.


B.     Apparition de nouvelles organisations de médiation

La crise de la représentation politique remet en cause le rôle des partis et syndicats qui auraient perdu leurs fonctions traditionnelles de représentations. Par conséquent, ils connaissent  une concurrence croissante de formations politiques émergentes qui semblent mieux adaptés au contexte socio-économique. Un nouveau type d’organisation plus ponctuelle, plus ciblés, dispute le monopole de la représentation dévolu historiquement aux partis.
En effet, des organisations moins hiérarchisées, s’inspirant de procédés de démocratie participative et défendant des enjeux spécifiques sont en plein essor. Ces organisations comme Act up, droit au logement ou AC !, visent à assurer directement la représentation d’intérêts particuliers qu’elles estiment peu ou pas défendus par les pouvoirs publics.

Dans le domaine des relations professionnelles, de manière comparable, la perte de légitimité des organisations syndicales  a donné naissances à  des types d’organisations plus ponctuelles, notamment lors des mouvements sociaux, avec la constitution d’organisations représentants par exemple les étudiants, ou les infirmiers …

Dans la mesure où ces nouvelles organisations s’intègrent au système représentatif, on peut en déduire qu’ils ne remettent pas en cause le principe de représentation politique, mais les instances représentatives traditionnelles.

                  Aux nouvelles organisations de médiation s’ajoute une mutation du système représentatif qui tend à devenir une démocratie de l’opinion.
C.     Mutation du système représentatif : la démocratie de l’opinion

Aujourd’hui, l’opinion publique joue un rôle essentiel dans la vie démocratique. Si la conception traditionnelle de la démocratie représentative considère que le gouvernement doit garder une certaine indépendance vis-à-vis des volontés et opinions des citoyens, l’opinion publique n’en constitue pas moins aujourd’hui un principe de légitimation puissant : une politique répondant aux attentes de l’opinion publique est perçue comme légitime, et inversement, une politique condamnée par le « tribunal de l’opinion » est menacée d’illégitimité.
Le système représentatif a aujourd’hui pris la forme de ce que le politologue Bernard MANIN appelle la « démocratie du public », fondée non plus sur un peuple représenté par les parlementaires, ou organisé par les partis, mais sur une opinion publique omniprésente.
Pour certains, notamment Lancelot, le recours systématique aux sondages d’opinion contribue au renforcement du caractère démocratique du régime représentatif : les citoyens renforcent leurs contrôles sur les gouvernants, et fait exister l’opinion des minorités.
Les opposants à cette démocratie de l’opinion soulignent qu’une politique doit être menée en considération de l’intérêt général, non de sa popularité. De plus, la consécration des sondages d’opinion, notamment sur la popularité des représentants, favorise la personnalisation du pouvoir.

Ainsi, l’omniprésence de l’opinion publique consacre une forme nouvelle du régime représentatif. Celui-ci a en effet connu 3 phases : le parlementarisme caractérisé par un lien personnel entre représentants indépendants et représentés, puis la démocratie des partis, caractérisé par l’encadrement du peuple par l’appareil partisan, et aujourd’hui une démocratie du public avec une personnalisation des représentants découlant de la place énorme qu’ont pris les médias et a communication.

L’apparition de cette démocratie de l’opinion renforce ou appauvrit la démocratie, mais dans tous les cas, elle reconduit le principe de la représentation sous une autre forme.


CONCLUSION

                  Cette crise de la représentation politique est davantage une crise des modes de représentations traditionnelles qu’une crise du principe de la représentation. En effet, tout laisse à penser à une remise en cause du principe même de la représentation politique : une forte augmentation de l’abstention, un désengagement des français dans les institutions représentatives traditionnelles, une méfiance envers les représentants… Mais les causes de cette crise ne révèlent pas une distance du citoyen vis-à-vis du principe de la représentation, mais bien le manque du citoyen souhaitant une meilleure représentation. Cette demande se traduit ainsi par l’apparition de nouvelles formes de représentation par l’apparition de nouvelles organisations de médiation, et une mutation de la démocratie représentative qui tend à devenir une démocratie d’opinion.
                  Bien que se développent des modes de représentations alternatifs, dont certains s’inspirent du modèle de la démocratie directe, les français restent attachés au principe de représentation. Comme le montre le sondage réalisé par SOFRES en juin 2000 : 79% des personnes interrogées pensent que pour que la démocratie fonctionne bien, il est important que les gens votent régulièrement aux élections. Il revient donc aux partis politiques et hommes politiques de s’adapter aux nouvelles configurations de la société et aux nouvelles attentes des français.
                  Si la crise des institutions traditionnelles ne menace pas le principe de représentation, elle souligne la fragilité des démocraties représentatives, qui, en définitive, ne repose que sur la volonté du citoyen d’en accepter

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